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Tourisme: Les Algériens sauveront-ils la Tunisie ?

par Moncef Wafi

Le tourisme tunisien se bat toujours pour sauver une saison hypothéquée par les incidences de la révolution de Jasmin qui a renversé le régime de Ben Ali mais aussi par les événements de Libye et des rumeurs sur l'insécurité ambiante qui, selon la presse tunisienne, aurait fait subir un grand préjudice à la filière.

Cette dernière donne serait la principale raison qui a freiné les touristes algériens, attendus en grand nombre, pour booster un été moribond. Dans son édition du 6 juillet, l'hebdomadaire indépendant tunisien «Réalités», dans sa version électronique, revient sur cette désaffection, perçue presque comme une «traîtrise» de la part des Algériens. Considérés comme l'un des contingents les plus importants de touristes étrangers, les Algériens, quelque 1,2 million par an, sont également classés parmi les touristes les plus dépensiers. Selon des rapports tunisiens, le touriste algérien laisse derrière lui pas moins de 500 dollars par semaine, ce qui fait de lui un vecteur de revenu important en devises. Cet intérêt soudain pour l'Algérien trouve son essence dans la régression du tourisme à cause de la crise financière mondiale, et se cristallise par le changement de conduite aux frontières puisque les touristes algériens sont, depuis quelques années, chaleureusement accueillis avec la facilitation de l'accès et du contrôle qui ne prend plus trop de temps. En 2009, le nombre de touristes algériens est revu à la hausse avec 85% d'entre eux qui prennent la route, notamment le passage de Oum Tboul qui enregistre une affluence de 6.000 algériens par jour. Les chiffres révèlent également que la Tunisie est un pays de passage pour 65% des Algériens qui voyagent vers l'étranger. Ayant déjà constaté que cette saison touristique allait être un fiasco, les Tunisiens se sont tournés vers de vastes campagnes de promotion en direction des capitales européennes, traditionnelles «clientes» des plages tunisiennes mais également vers l'Algérie pour au moins garantir un minimum de rentabilité pour un secteur à l'agonie. Ainsi, il est reproché au ministre tunisien du Tourisme, Mehdi Haouas, de n'avoir pas su empêcher le naufrage de cette saison estivale malgré 60 millions d'euros, coût de la campagne médiatique menée. En marge de la 12e édition du Salon international du tourisme et des voyages d'Algérie (SITEV), Habib Ammar, le DG de l'Office national du tourisme tunisien qui avait fait le déplacement en Algérie, a reconnu que le nombre de touristes maghrébins et européens en Tunisie a beaucoup baissé et a rappelé que le ministère a mis en place une stratégie à même de les drainer à nouveau. Il annoncera, par la même occasion, que 700.000 dinars tunisiens seront consacrés à l'organisation de campagnes promotionnelles en Algérie afin de stimuler la demande sur la Tunisie. L'objectif avoué étant de séduire les Algériens et les convaincre de passer leurs vacances sous le ciel tunisien. Un but qui n'a pas été possible de réaliser, à cause d'une contre-campagne orchestrée par certains journaux algériens qui tentent de ternir l'image de la destination, selon la lecture que fait la journaliste de «Réalités». Une extrapolation puisée des articles parus dans des journaux algériens, fin juin, sur de prétendues agressions de touristes algériens sur le sol tunisien et l'enlèvement, à Sousse, d'une touriste algérienne en voyage de noces avec son époux.

 Ces rumeurs, plus qu'autres choses, seraient à l'origine des décisions des Algériens de zapper la destination Tunisie et de se tourner vers un tourisme domestique plus onéreux et moins performant. «Cette désinformation est venue compromettre toute la campagne lancée par l'Office national du tourisme tunisien (ONTT) sur le marché algérien», peut-on encore lire dans l'article signée Nada Fatnassi, qui reproche à quelques médias tunisiens d'avoir repris les infos sans les vérifier. Selon une source sécuritaire autorisée auprès du District de la Sûreté de la région de Sousse, citée dans l'article de presse en question, «la rumeur véhiculée dans les médias autour de l'enlèvement, à Sousse, d'une touriste algérienne en voyage de noces avec son époux est dépourvue de tout fondement». Le tourisme tunisien se défend, à travers les responsables sécuritaires qui affirment qu'«aucun touriste algérien ou étranger n'a été victime d'agression physique ou matérielle dans le gouvernorat de Sousse ou dans l'ensemble des zones touristiques depuis le déclenchement de la révolution tunisienne». Pourtant, et à moins d'une dizaine de jours du début du Ramadhan, l'intérêt des Algériens ne semble pas grandir pour la Tunisie, du moins pour cette année, même s'ils ont sauvé auparavant le secteur, pendant ses moments les plus difficiles en contribuant massivement à améliorer ses scores et ses indicateurs, comme suggéré par Nada Fatnassi. «Selon de nombreux professionnels opérant dans plusieurs stations touristiques, la saison est désormais compromise, d'autant plus que les annulations ont atteint leur maximum et que les marchés maghrébins ont enregistré une baisse, au niveau des entrées, dépassant les 40%. Accueillant en moyenne sept millions de touristes par an, dont deux millions de Libyens, plus d'un million d'Algériens et plus de quatre millions d'Européens, dont 1,4 million de Français, la Tunisie, se bat encore. Du coup, vendre aux Algériens est la solution pour sauver, un tant soit peu, les postes d'emploi et faire tourner la machine», lit-on encore. Plus de 130 établissements hôteliers ont déjà mis la clef sous le paillasson et environ 2.000 salariés du secteur ont été licenciés au 10 juin dernier.