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En s'engageant
dans des partis politiques, dans des associations ou même en entrant au
gouvernement, les chefs d'entreprises espèrent modeler la Tunisie démocratique.
Le monde des affaires tunisien a son parti. Afek Tounes - «Perpectives pour la Tunisie» ? est né le 28 mars dernier de l'initiative de quadragénaires issus du monde des affaires. «Pas tous!», tempère Ali Kooli, 46 ans, directeur général d'une banque de la place et membre-fondateur du parti. Il n'empêche, son président, Mohamed Louzir, 46 ans, est associé-gérant du cabinet comptable MS Louzir. Son coordinateur général, Sami Zaoui, 45 ans, est associé du cabinet tunisien d'Ernst & Young. Yassine Brahim, 45 ans, directeur général du producteur de logiciels GL Trade, fait aussi partie du noyau dur d'Afek Tounes. «Je saisis une chance historique de bâtir la société dans laquelle je vais vivre, dit Ali Kooli, qui est rentré en Tunisie l'an dernier après une carrière à l'étranger. Je veux qu'elle corresponde à mes valeurs de modernité et d'ouverture». Le programme d'Afek Tounes fait une large place à l'économie. «Encourager l'initiative privée» et «mettre en place les structures pour rendre notre économie plus compétitive» sont des priorités, pour Ali Kooli. D'après des sondages récents, Afek Tounes est l'un des «nouveaux partis» les mieux placés dans les intentions de vote. Pour Hassen Zargouni, directeur du bureau d'études Sigma et observateur attentif du monde des affaires, Afek Tounes est «une singularité». «La majorité de la classe politique est constituée de hauts fonctionnaires, d'avocats, de médecins», dit-il. Reste que depuis le 14 janvier, une partie du patronat s'engage. Plusieurs hommes d'affaires ont fait partie des gouvernements qui se sont succédé depuis la chute du régime de Zine el-Abidine Ben Ali. Le ministre des Finances, Jalloul Ayed, est un banquier reconnu, le ministre du Tourisme, Mehdi Houas, dirigeait une société de services informatiques. Plusieurs membres d'Afek Tounes ont aussi fait l'expérience: Sami Zaoui a été secrétaire d'État auprès du ministre de l'Industrie, du 17 janvier au 28 février et Yassine Brahim a démissionné le 17 juin de son poste de ministre du Transport pour «agir au sein du parti». Empêcher une «politique hostile aux affaires» Les initiatives des hommes d'affaires n'ont pas toutes la même envergure. L'ingénieur et investisseur Skander Rekik, 46 ans, a fondé le parti Alliance nationale pour la paix et la prospérité (ANPP), en regroupant quatre petites formations au lendemain du 14 janvier. Mais les chefs d'entreprises qui s'engagent ont «une même priorité, assure Hassen Zargouni: empêcher l'instauration d'une politique hostile aux affaires». «Si demain on décidait d'abolir la propriété privée?», s'inquiète Ali Kooli. Pour le patron du bureau d'études Comete Engineering, Radhi Meddeb, 57 ans, qui vient de créer l'association Action pour le développement solidaire (ADS), «les fondamentaux de la société, comme la libre entreprise, l'ouverture économique, peuvent être remis en cause». Radhi Meddeb a réuni une soixantaine de personnes pour rédiger un «programme de gouvernement» et le «proposer aux partis du centre-gauche». Objectif: «favoriser l'émergence d'un front du centre». Le fondateur d'ADS a opté pour la forme associative afin de «ne pas ajouter de la cacophonie à la cacophonie», le pays comptant déjà une centaine de partis. «Je ne cherche pas nécessairement un avenir politique, dit-il. Mais si je n'arrive pas à me faire entendre, pourquoi pas». Aziz Mbarek, 47ans, rejette cette éventualité. Le cofondateur du groupe financier Tuninvest Africinvest n'est «pas du tout intéressé» par la politique, dit-il. Il a créé Tounes2020 -Tunisie 2020-, une association qui plaide pour un développement «durable, équitable et solidaire». « J'essaie seulement d'apporter une expertise sur quelques sujets», explique-t-il. La révolution s'est «faite contre les élites» Comme lui, certains hommes d'affaires s'engagent, mais évitent le devant de scène. «La révolution s'est faite contre les élites, explique Hassen Zargouni. Les chefs d'entreprises sont soupçonnés d'avoir été l'outil de l'injustice sociale, d'où la difficulté à se mettre en avant aujourd'hui». Abdelaziz Darghouth, qui dirige «Ambiance Déco», a adhéré il y a un mois au parti Ettakatol - anciennement Forum Démocratique pour les libertés en Tunisie. «Les patrons ont été mis à l'index pour avoir été les faiseurs du système Ben Ali alors que nous avons presque tous subi des entraves», déplore-t-il. En «aidant à l'élaboration d'un programme fait pour les citoyens», il espère «démontrer que les chefs d'entreprises sont des acteurs clés pour relever le défi du chômage». Dans la Tunisie en transition, les hommes d'affaires qui veulent peser sans s'engager semblent aussi avoir trouvé la voie. Pour Hassen Zargouni, une attitude «très répandue» dans le monde des affaires consiste à «parier sur des chevaux politiques: financer la campagne d'un ou plusieurs partis». Des financeurs qui «restent discrets, car l'argent est mal vu en Tunisie». Côté partis, difficile aussi d'obtenir confirmation, alors que le décret-loi sur le financement des formations politiques devrait être voté mercredi par la haute instance pour la réforme politique. |
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