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L'appel
à manifester vendredi en Egypte contre la manière dont l'armée mène depuis cinq
mois la transition post Moubarak a été largement entendu. Des dizaines de
milliers d'Egyptiens sont en effet descendus hier dans les rues des principales
villes du pays. Au Caire, c'est l'emblématique place «Tahrir»
qui a été le lieu de rassemblement des protestataires.
Depuis la chute de Moubarak et passé l'euphorie nationale provoquée par cet évènement, les Egyptiens, du moins ceux qui ont adhéré à la révolution et ses objectifs, ont fait l'amer constat que l'armée, qui dirige le pays, ne semble pas vouloir en finir avec le système sur lequel s'appuyait le dictateur déchu. Et de fait, à part la mise à l'écart ou l'emprisonnement de quelques personnalités de l'ancien régime, les militaires n'ont pas réalisé de rupture significative avec celui-ci et persistent à user des mêmes méthodes que les siennes pour faire taire les mécontents de la tournure prise par la transition. Le but des manifestations de vendredi était de rappeler à cette armée qu'elle a pris l'engagement de réaliser les revendications de la révolution. Ce qu'elle répugne manifestement à accomplir. Cette attitude de l'armée était néanmoins prévisible par avance. Car c'est une armée qui ne s'est résolue à prendre le parti du peuple que malgré elle. Sa retenue durant le bras de fer ayant opposé le peuple à Moubarak n'était nullement la conséquence de son adhésion aux revendications des manifestants. Elle a procédé de la crainte nourrie par ses chefs qu'un soutien militaire actif au dictateur déchu risquait de briser son unité et lui vaudrait réprobation internationale et démêlés inévitables avec la justice internationale. Contrainte et forcée donc, elle a lâché Moubarak, sans pour autant faire siennes les ruptures systématiques visées par la révolution. Ce sont ces ruptures que les manifestants sont venus exiger vendredi. Leurs manifestations révèlent que l'armée ne bénéficie plus du capital confiance qu'elle s'est acquis il y a cinq mois en se rangeant au côté du peuple pour forcer la main à Hosni Moubarak. D'autant qu'il est clairement apparu qu'elle favorise les desseins des forces qui cherchent à mettre sous l'éteignoir les promesses démocratiques que la révolution a fait entrevoir. Ces mêmes forces qui sont à considérer avec elle que la révolution a atteint son objectif du seul fait de la chute du dictateur et de la semi-liberté d'expression dont les Egyptiens bénéficient maintenant. Ce qui est loin de satisfaire ceux-ci, comme l'a montré leur mobilisation d'hier. Vendredi, l'armée a laissé faire. Elle n'a pas réprimé les manifestants dont la contestation vise sa gestion de la transition. Pour autant, si elle persiste à faire traîner la satisfaction de leurs revendications, elle va inévitablement entrer en conflit avec un mouvement qui veut la contraindre à respecter des engagements contraires à sa vision du pouvoir qui doit succéder à celui dont Moubarak était le symbole. Elle n'hésitera pas à le faire, car encouragée de l'extérieur à garantir la continuité en Egypte des politiques nationale et internationale suivies précédemment par le dictateur déchu. Des manifestants ayant scandé que la « révolution continue », l'armée sera tentée de siffler la fin de partie en faisant valoir qu'une telle situation est préjudiciable à la stabilité du pays et bloquante de la reprise économique. Deux arguments qui donneront prétexte à beaucoup en Egypte et à l'étranger à fermer l'œil sur une reprise en main musclée du pouvoir par les militaires. |
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