Comment voulez-vous que je fasse avec cinq
enfants dans ce minuscule appartement, si nous pouvons l'appeler ainsi», demande
avec force un citoyen qui sera vite relayé par un autre qui affirme que «nous
sommes une famille composée de huit personnes et on nous a casés dans un F2, comment
dormir avec mes frères et sœurs, nous sommes tous des adultes, je préfère aller
ailleurs ou rester dans notre gourbi mais ils l'ont déjà détruit». Le nombre
très important de logements sociaux attribués ces derniers temps dans le cadre
de l'éradication de l'habitat précaire ou dans celui plus large du social a
fait naître des appétits voraces chez un grand nombre de citoyens qui voient là
une revanche sur les riches et sur ceux qui se sont servis grassement lors des
dernières attributions. Chacun voit en cette attribution non pas un moyen de le
sortir lui et sa famille d'une situation de sous-citoyen
demeurant une masure en compagnie des rats, des serpents et des mauvaises
odeurs, mais plutôt un moyen de refaire sa vie en ?vendant' l'appartement
attribué pour au moins 600 ou 700 millions de centimes. Bien sûr, ce ne sont
pas tous les Algériens qui sont dans ce cas, mais il faut reconnaître que c'est
la majorité qui l'est, ce qui crée une tension très vive dans toutes les daïras
dès que des logements sont sur le point d'être attribués. Dans de nombreuses
communes, les baraques sont construites en une nuit et habitées aussitôt, dans
une insalubrité absolue, les enfants étant les premières victimes de ces
agissements irresponsables qui font fi de la dignité humaine et même de la
santé des enfants. Des dizaines de cas avérés de citoyens qui louent leurs
villas pour habiter un bidonville afin de bénéficier d'un logement social sont
rapportés un peu partout, sans que cela fasse bouger les responsables locaux
qui jouent plutôt la carte de l'apaisement, surtout en ces temps de
?révolutions arabes' qui ont une odeur de soufre ! Tout cela crée une situation
dramatique pour ceux qui ne sont pas épaulés car ils n'arrivent pas à avoir ce
fameux F3 qui contiendrait toute la famille et les pousse à des comportements
parfois irréfléchis, comme ceux qui se sont battus entre eux ou qui ont squatté
des appartements avant d'être délogés par la force. D'ailleurs, des
informations nous parviennent d'un peu partout faisant état de familles
nombreuses qui bénéficient de F2 alors que les autres, plus chanceux ou mieux
épaulés, ont des F3 même avec un nombre inférieur d'enfants. La solution
adéquate serait qu'il n'y ait plus ces F2 qui ne conviennent pas à la famille
algérienne dont le nombre d'éléments varie souvent entre 4 et 8 personnes. Même
quand c'est un couple seul qui bénéficie de ces appartements trop petits, il
faudrait les reloger ailleurs car, très vite, ils ont une ribambelle d'enfants
et le F2 ne leur suffit plus au bout de trois ou quatre années. D'un autre côté,
le retard accumulé durant les années de braise est long et fastidieux à combler
surtout dans villes à proximité des montagnes qui ont vu des milliers de
familles fuir les affres du terrorisme et bâtir des baraques de fortune autour
des villes, y restant même après le rétablissement de la paix, les femmes
refusant de retourner à la campagne après avoir goûté les facilités de la ville
et la proximité des marchés, des bains maures et de toutes ces choses qu'elles
ne connaissaient même pas auparavant. Enfin, et c'est certainement ce qui rend
les choses encore plus difficiles, de très nombreux citoyens habitant sous le
toit familial avec leurs frères et leurs parents aspirent à bénéficier d'un
logement social pour éviter les problèmes qui naissent d'une contraignante
promiscuité, refusant même de s'entraider pour construire eux-mêmes une villa, avec
un étage pour chaque frère. Tout cela a fait dire à un citoyen que «Bouteflika aura beau construire des millions de logements, l'Algérien
trouvera toujours le moyen de dire qu'il habite dehors».