Rien.
Une route traverse la tête mais ne mène nulle part et revient s'enrouler autour
de vos chaussures. Le chroniqueur ne trouve rien à dire. Et il n'est pas le
seul. Le pays entier ne fait rien. Sa terre, ses arbres et ses abribus. Tout le
monde ne fait rien. Comment vit-on ? Mollement. Il y a le pétrole qui coule et
donc le système est encore vivant selon les satellites. Pour le reste, on a
presque cette conviction profonde que l'Etat n'existe pas, ainsi que le Pouvoir
lui-même. On s'imagine la scène : le bureau du Président. Grandes fenêtres. Des
laquais immobiles, attentifs aux demandes de jus de fruits. De grandes vitres
tournées vers le ciel et la nostalgie. Un climatiseur avec une petite barbe
genre Belkhadem. Pas de rideaux depuis Annaba. C'est
ici le Centre du pays et il ne contient que du vent froid. Agréable certes mais
c'est du vent quand même. D'où ce rien dans la tête du chroniqueur alors qu'il
ne reste que deux jours avant la fête de l'indépendance. L'idée première était
de démontrer le lien qu'il y a entre le débat sur l'importation de la friperie,
encouragée par le vote de députés de l'Algérie indépendante, et l'indépendance.
L'idée était de rappeler qu'on n'a pas le droit, techniquement, de fêter une
indépendance alors qu'on importe de la friperie. Encore plus quand l'importation
est encouragée par des élus. Mais c'était une idée molle et usée. Elle ne sert
à rien et entre dans la collection nationale des indignations sans effets.
Ensuite l'idée était de parler de cette
affaire selon une thèse qui circule : des députés songent déjà à l'après mandat
qui sera clos dans une année et chacun prépare sa retraite avant les élections
de 2012. C'est
ce qui explique pourquoi le Sénat a dit non par la bouche et a dit oui par la
main à la LFC. On
lui a expliqué, peut-être, au Sénat, qu'il s'agit d'un cadeau de départ pour
les partants. C'est la thèse d'un collègue : les loi se mangent et mangent les
plus faibles. Souvent, des lois sont fabriquées dans le silence, profitent aux
plus avertis, c'est-à-dire les rédacteurs de la loi ou leurs proches, avant que
ces lois ne soient publiques. Rappelez-vous du crédit documentaire. Mais même
ça, ne suffit pas à réveiller les sens. L'idée a donc été abandonnée au profit
d'une autre : quel est le lien entre importer de la viande indienne à 450 Da le
kilo et fêter le 49ème anniversaire de l'indépendance ? Un lien malsain, honteux
ou risible. Mais cela aussi est une idée usée : l'indépendance est une date d'anniversaire
que chacun s'attribue. Chacun dit qu'il est né le 05 juillet 62, sauf le pays
qui attend. D'ailleurs ce n'est pas une date mais un point de commencement des
dates qui ont suivi. D'où le manque de possibilité qu'offre la spéculation sur
cette date. Tout le monde est d'accord pour dire que ce jour-là, le pays est
mort-né, ou pas né encore, ou déjà trompé, ou déjà abattu dans le dos à Annaba,
ou déjà détourné, ou pas encore compris, ou encore floué et à
peine consulté?etc. C'est pour dire qu'il n'y avait rien à écrire hier : il y a
des endroits par où l'histoire ne passe plus, ou à peine. La tête pour le pays
de la tête. On y retrouve énormément de souvenirs et à peine des grains de blé
pour les semailles. Reste que l'idée de friperie est fascinante, autant que la
viande indienne. On verra demain.