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Nafissatou Diallo, une femme de chambreseule contre le système: Dominique Strauss-Kahn presque libre

par Salem Ferdi

Dominique Strauss-Kahn (DSK), ancien directeur général du FMI, poursuivi pour viol et agression sexuelle contre une femme de chambre de l'hôtel Sofitel de New York, a été libéré sur parole hier. En dix minutes d'audiences, l'ancien patron du FMI accusé d'agression sexuelle et de viol, a vu ses conditions de détention considérablement allégées. Caution levée, possibilité de circuler dans l'ensemble des Etats-Unis mais sans en sortir, son passeport étant conservé par la justice américaine.

Dominique Strauss-Kahn est sorti souriant du tribunal accompagné de son épouse Anne Sinclair de l'audience, non prévue, provoquée par le bureau du procureur. L'affaire n'est pas close et l'audience prévue le 18 juillet prochain a été maintenue. Le rebondissement a été annoncé par le New York Times qui avait fait état dans son édition matinale de la découverte d'éléments qui ruineraient la crédibilité de la victime présumée. Plus de 100 000 dollars auraient transité sur son compte en deux ans et seraient liés à des activités criminelles (trafic de drogue et blanchiment d'argent). Elle aurait également menti à plusieurs reprises sur son passé. Ces découvertes ne signifient pas en soi qu'il n'y a pas eu viol, la réalité de la relation sexuelle, le 14 mai, dans la suite du Sofitel de Manhattan, ayant été établie par les analyses ADN. Pour l'avocat, de Nafissatou Diallo, Kenneth Thompson, le viol ne fait aucun doute et le nouveau rebondissement tient uniquement au fait que «le procureur Cyrus Vance a trop peur de perdre ce procès.».

La question du viol devient secondaire

De fait, la question du viol, aussi aberrant que cela puisse paraître, est en train de devenir secondaire par rapport aux «mensonges présumés» de Mme Diallo sur son passé. Dans une affaire qui s'est déroulée dans une suite du Sofitel de New York et malgré les preuves médico-légales, c'est la parole de la victime présumée contre celle de l'agresseur sexuel présumé. Et dans le système américain, l'accusation incarnée par le District Attorney Cyrus Vance se devait de présenter un dossier qui doit convaincre sans «l'ombre d'un doute» et à l'unanimité douze jurés que l'ancien patron du FMI est coupable. Cyrus Vance qui a une carrière politique à gérer a estimé que l'accusatrice n'était plus suffisamment crédible. C'est son bureau qui a pris l'initiative de l'audience d'hier pour alléger les conditions de surveillance de DSK. C'est donc très clairement un recul du District Attorney, Cyrus Vance que l'avocat de Nafissatou Diallo n'a pas apprécié. Il s'est d'ailleurs lancé dans une offensive contre le procureur. Il a qualifié l'accusation de trafic de drogue contre sa cliente de «mensonge» et a accusé le procureur d'avoir «maltraité» Nafissatou Diallo.

L'avocat de Nafissatou passe à l'offensive

Pour Maître Thompson, Nafissatou Diallo a décrit un «acte d'agression sexuelle par Dominique Strauss-Kahn a de nombreuses reprises. Aucun élément n'a été changé dans ce récit» en précisant que c'est la «victime elle-même qui a déclaré au procureur les conditions dans lesquelles elle était venue aux Etats-Unis.». Parler de relation sexuelle «consentie» est un «mensonge» a-t-il dit. «Lorsque la victime est entrée dans cette suite, c'était pour une seule raison : nettoyer la suite, pensant qu'il n'y avait personne. Puis DSK est venu en courant nu vers elle. (...) Ensuite, il lui a saisi violemment le vagin et lui a fait mal. Les infirmières ont constaté les hématomes à son vagin. Dominique Strauss-Kahn a jeté la victime au sol et lui a déchiré un ligament de l'épaule : il s'agit d'un fait médical.». S'agissant de son présumé mensonge sur sa situation en Guinée, l'avocat a répondu que «Nafissatou Diallo a été excisée en Afrique et a été victime de viol par des soldats en Afrique. Pour que sa fille ne subisse pas le même sort, elle a quitté son pays pour trouver refuge aux USA. Son erreur a été de ne pas en parler au procureur». Il est clair que la femme de chambre a désormais contre elle les redoutables avocats de DSK mais également le District Attorney de New York qui semble croire qu'un mensonge éventuel sur un élément de sa biographie signifierait qu'elle a menti sur le viol. En lançant l'offensive contre le bureau du procureur, Kenneth Thompson a clairement montré que les intérêts de Cyrus Vance et de Nafissatou Diallo ne sont plus les mêmes.