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La Moubaya a

par K. Selim

Assuré d'une complaisance européenne qui s'étend jusqu'aux médias, le régime marocain met les bouchées doubles et mobilise les moyens de l'Etat pour faire du référendum du 1er juillet une manifestation d'allégeance, une de ces vieilles moubaya'as.

L'opposition marocaine authentique et non intégrée dans les jeux du Makhzen peut constater à quel point la connivence occidentale avec le régime en place est une entrave au progrès et à la démocratie dans leur pays. Alors que les évolutions sont homéopathiques et d'une application tributaire du bon vouloir royal, les médias occidentaux, y compris anglo-saxons, ont pratiquement parlé de révolution. Aujourd'hui, la machine du Makhzen est en marche. Les ressources de l'administration sont mobilisées pour un seul objectif : faire approuver une révision constitutionnelle pour laquelle le monarque a déjà voté.

Entre le discours royal et le référendum, le délai est tellement court qu'on peut parler de passage en force, de volonté d'en finir et de clore les discussions.

Les partisans du boycott, et notamment les jeunes du Mouvement du 20 février, font face depuis plusieurs semaines à la répression et aux attaques des «baltaguis» payés par le Makhzen. Les partisans du boycott, qui se sont exprimés dimanche dans des manifestations, font face à l'ensemble de l'appareil politico-sécuritaire du régime. Mieux, les imams ont été mis à contribution dans toutes les mosquées du royaume pour appeler les fidèles à respecter la tradition de la moubaya'â et à bien voter. Inutile de dire que les partisans du boycott n'ont pas droit à cette tribune. Les confréries ne sont pas en reste dans la construction de l'allégeance par voie référendaire.

Les courageux jeunes du Mouvement du 20 février, même s'ils expriment l'avenir du Maroc, ne se battent pas à armes égales. Ils ont contre eux la plupart des médias marocains qui les vouent aux gémonies et les accusent tantôt d'être des sous-marins d'Al-Adl Wal-Ihsane, tantôt d'être ceux de l'extrême gauche.

 Sauf que le Mouvement du 20 février comprend également des jeunes militants de partis institutionnels - comme l'USFP -, qui ont refusé de suivre la direction de leur parti et se sont positionnés contre la fausse réforme annoncée par le Roi.

Cette rupture qui apparaît entre les jeunes et les dirigeants non émancipés des appareils politiques est sans doute l'évènement majeur de ces derniers mois. Et même s'il faut s'attendre à ce que le référendum-allégeance se traduise par une répression accrue de ceux qui se refusent à avaliser le tour de prestidigitation politique, le mouvement est bien amorcé. La marche vers une démocratie sera lente. Ceux qui défendent une monarchie constitutionnelle, où le roi règne sans gouverner, savent que le peu qui a été concédé par la main gauche du roi peut être repris par la main droite.

Cette constitution «octroyée» est un subterfuge loin de satisfaire des jeunes Marocains qui, comme tous les jeunes à travers le monde arabe, aspirent au changement et à la citoyenneté. La bienveillance des médias occidentaux confirme que la démocratie au Maroc n'est vraiment pas souhaitée par les «civilisateurs».