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La saison agricole dans la wilaya de Tiaret, considérée comme le grenier
de toute l'Algérie depuis l'aube de l'indépendance, s'annonce sous de mauvais
auspices en raison de la menace que font peser les fellahs en décidant de ne
pas livrer leur production de blé aux coopératives de céréales et légumes secs (CCLS).
Une situation qui a amené le wali de la wilaya de Tiaret, M. Bousmaha Med, à se rendre jeudi au niveau de la daïra de Rahouia où il a installé un comité technique composé de représentants de la chambre de l'agriculture, l'Union nationale des paysans algériens, la BADR et les CCLS, chargé d'étudier les doléances des céréaliers, connus depuis toujours pour être un lobby puissant dans toute la région. La genèse du conflit réside dans la réfaction décidée par la CCLS de Rahouia sur le prix d'achat du blé dur, touché cette année par un fort taux de mitadinage en raison des dernières pluies néfastes pour les récoltes. Le mitadinage est un accident physiologique qui provoque l'apparition de portions farineuses dans l'albumen du blé dur, alors que celui-ci est normalement vitreux. En effet, les précipitations des mois de mai et juin ont eu pour conséquence de dégrader la qualité du blé dur qui s'est en quelque sorte «grillé» sous l'effet conjugué de la sécheresse des mois de mars et avril et un faible taux d'humidité contenu dans le grain. Sur les champs agricoles, cela se traduit par un aspect anormal de l'épi caractérisé par une couleur blanche (la bonne) et rouge (la mauvaise) des grains, selon le taux d'humidité contenu dans chaque grain. Cela a eu pour conséquence la réduction du prix d'achat du blé dur par la CCLS de Rahouia qui a décidé, en vertu d'un décret exécutif, d'appliquer un taux de réfaction de plus de vingt pour cent, passant ainsi de 4.500,00 à 3.500,00 dinars le quintal, ce que les fellahs ont catégoriquement rejeté. Mais, selon le directeur de la CCLS de Rahouia, le problème n'est pas seulement dû au taux de mitadinage important constaté cette année mais aussi dans le non-respect par les agriculteurs de l'itinéraire technique et la préparation des sols avec notamment une insuffisance en apport d'engrais azotés. Cent mille hectares répartis sur la région nordique de Mechraâ Sfa et Rahouia, considérées comme la région la plus généreuse de la wilaya de Tiaret avec plus de 60 quintaux à l'hectare la saison passée, sont touchés par le phénomène de mitadinage, ce qui compromet sérieusement la récolte céréalière de cette année qui ne devrait guère dépasser les 2,5 millions de quintaux, soit la moitié de la production de l'année dernière qui, rappelle-t-on, avait frisé les 5 millions de quintaux toutes variétés confondues, selon la direction des Services agricoles. Autre problème qui a surgi en ce début de la campagne de moissons-battages en cours, c'est celui de la mauvaise qualité de la semence qui a réduit de presque 80 pour cent la production céréalière. C'est le cas notamment de la semence dite «R2» et utilisée par les fellahs surtout au niveau des plaines du Sersou et qui n'ont pratiquement rien donné, obligeant les céréaliers à transformer leurs cultures en fourrages pour éviter une perte sèche. C'est le cas notamment de cette femme agricultrice dans la région de Aïn Bouchekif qui a vu ses trente hectares «partir en fumée» en raison de la mauvaise qualité de la semence de blé, la contraignant à «retourner» ses champs pour transformer la récolte en résidus fourragers. Conséquence d'une triche «organisée» dans la semence acquise à bon marché au marché parallèle, à l'est de la wilaya, dans la région de M'ghila et Sidi Hosni où est pratiquée à grande échelle l'intensification céréalière (cultures de semence de qualité supérieure), la situation n'en est pas mois inquiétante avec une production de mauvaise qualité, ce qui s'est traduit par une réduction drastique du rendement par hectare, passant de 45 à moins de 12 quintaux à l'hectare. 20.000 quintaux de cultures maraîchères détruits Des dizaines de maraîchers implantés dans la région de Mellakou sont eux aussi en colère et pour cause. La semaine dernière, des bulldozers sont intervenus pour détruire plus de soixante hectares de cultures maraîchères, de la pomme de terre et de l'oignon principalement. La raison en est un arrêté de wilaya (vieux de deux mois) et selon lequel les cultures arrivées presque à terme devaient être détruites pour protéger la nappe phréatique (et du coup la Mina qui alimente en eau potable la ville de Tiaret) qui a atteint un niveau d'abattement inquiétant selon les services de la direction de l'Hydraulique. Dans une pétition signée par les maraîchers, ces derniers se disent «ne pas comprendre pourquoi plus de 20.000 quintaux de légumes ont été détruits alors que les représentants de l'Etat pouvaient les préserver à des fins plus utiles comme leur versement à des organismes ou associations caritatives. «L'application d'amendes financières ou la saisie du matériel utilisé pour le pompage aurait été l'autre solution sage au lieu de massacrer des centaines de quintaux de cultures maraîchères produites à coups de milliards de centimes», surenchérit un autre agriculteur, sous-locataire d'une exploitation agricole individuelle. Jeudi encore, des centaines de quintaux de pastèques cultivées sur un champ agricole près de Temda, au nord de Tiaret, ont été détruits sous l'œil vigilant des gendarmes, le «proprio» des champs ne disposant pas de l'autorisation de prélèvement d'eau pompée d'une retenue collinaire située dans les parages. |
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