Sur les plages, il ne se trouvait pas une famille qui ne
l'exposait pas. Elle trônait sous le parasol en attendant que les membres de la
famille s'installent autour. Le moment venu, on en retirait la bouteille de
Coca achetée «trabendo», les sandwiches préparés
maison et la pastèque. Pour être sûrs d'être remarqués, on parlait à très haute
voix. «papi atini du
gruyère». «Tu peux te servir il est dans la glacièghe».
C'était décibels familles... Le repas fini, les enfants se précipitaient vers
les vagues. Mais c'était compter sans la grande
culture de la maman.
- «Non mais ça va
pas? se baigner juste après la bouffe... je te jure tchu te noies, je te tchue». C'était
du temps où la glacière portable était à la mode. Il y en avait de toutes les
tailles et couleurs. C'était un signe de raffinement, au point où
on mangeait les tranches de pastèque et abandonnait leur peau sur le sable
avant de quitter les lieux. En d'autres lieux, avant l'ère des quatre saisons, au
printemps des années fastes, le père chargeait toute la marmaille dans la
voiture acquise chez Sonacome, grâce au bon d'achat
offert par l'instituteur du fils du voisin, chauffeur chez l'oncle du
secrétaire général de la mairie de... qui dénonçait les massacres perpétrés au
Vietnam par el-imbirialia el maricania,
et leurs alliés «la réaction dakhilia», qui dénonçait
les francisants-communistes. Ils brandissaient
l'article 120 et cent reproches, pour accaparer tous les articles importés. Le
père chargeait donc, les enfants à l'intérieur du véhicule, et sur les genoux
du plus âgé, le poste téléviseur portable. Ils allaient passer une journée à la
campagne. Camping, on s'arrête, on branche la télé fi la batterie, et on
suivait la transmission en direct du match de foot. C'était tous les voisins du
camping qui étaient convoqués, décibels aidant, par décibels familles. On
allumait un feu de bois, on faisait des grillades, de la kefta,
on débranchait la télé, on s'en allait, et le feu... bonjour les pompiers.