|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Il y a vingt ans tout juste, dans des circonstances
qui restent encore confuses pour nombre de citoyens, le gouvernement dirigé par
Mouloud Hamrouche quittait la scène politique.
Accusés de tous les maux, traités de tous les noms par des milieux divers mais fédérés par la rente, les «réformateurs» avaient pourtant tenté d'assurer une ouverture démocratique et une mise à niveau économique par une démarche critiquable peut-être, mais qui avait le mérite de la cohérence. Depuis, rien n'a vraiment remplacé le programme élaboré par les réformateurs et les performances de l'économie - ajustement structurel ou non, hausse des recettes pétrolières ou pas - restent bien en deçà de ce que l'on pourrait attendre. Au plan politique, la transition est toujours à l'ordre du jour et l'Algérie demeure, paralysée et impotente, au milieu du gué. Le «péril» islamiste a permis que la parenthèse réformatrice soit brutalement refermée, sans qu'aucune perspective de gouvernance libre et démocratique, sinon efficace, l'ait vraiment remplacée. Espérons que ce ne soit pas le sort promis à nos voisins tunisiens qui, eux aussi, vivent les tensions d'une transition complexe. Chez nos voisins, la formule du philosophe italien Antonio Gramsci, «L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour : dans ce clair-obscur, surgissent les monstres», prend vraiment tout son sens. En Tunisie aussi, la question «monstrueuse» de l'islam politique se pose avec acuité et trop peu nombreux sont ceux qui semblent avoir médité les terribles leçons de la transition avortée en Algérie. Ainsi, le mouvement Ennahdha est au cœur d'une campagne dans la pure tradition de notre éradication locale. Cette campagne a débuté dans les milieux «avancés» et Ettajdid (ex-PC), avant de s'étendre à une large frange des classes moyennes «éclairées». Rares sont les partis (connus) qui n'y participent pas, y compris un parti comme le PDP qui faisait partie du «Front du 18 octobre» avec Ennahdha, avant la chute de Ben Ali. Dans cette campagne, sont évidemment amalgamés Ennahdha, le très salafiste Hizb Attahrir et un nouveau groupe encore plus extrémiste, responsable du rassemblement devant la synagogue de Tunis, de la tentative de fermer les maisons de tolérance et d'autres actions du même acabit qui, pour les observateurs indépendants, fleurent la provocation à plein nez. Pour sa part, le chef du gouvernement, Béji Caïd Essebsi, a également joué de l'épouvantail islamiste pour contrer l'article 15 du projet de décret-loi concernant les élections à la Constituante, qui rendait inéligibles tous les responsables du RCD depuis 23 ans. Le fait que les classes moyennes «civilisées» soient le fer de lance de cette campagne ne signifie pas, loin de là, que Ennahdha ait conquis le cœur des classes populaires sans distinction. L'audience islamiste semble plus importante que celle d'autres partis, mais reste difficile à évaluer. De plus, pour ces mêmes observateurs, il n'est pas du tout certain que le parti de Ghannouchi souhaite remporter les élections qui viennent. Et il semble bien que la volonté de ne pas les gagner paraît être le seul point d'accord entre les principaux dirigeants du parti islamiste «historique». L'incertitude et l'opacité règnent dans un contexte où les «monstres» gramsciens, pas seulement islamistes - est-il besoin de le préciser ? - manœuvrent allègrement et envisagent des alliances hier encore contre nature. Il faut donc espérer que la transition en Tunisie soit brève et qu'elle aboutisse à une société démocratique et libre. La Tunisie a les moyens de révoquer ses monstres, d'autant - faut-il le déplorer ? - qu'elle n'a pas de pétrole? |
|