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LE MESSAGE DE LA FÜHRERIN

par K. Selim

Ainsi donc Marine Le Pen, digne fille de son père, tortionnaire sans remords, s'inquiète du fait que les binationaux franco-algériens puissent poser problème dans l'éventualité d'une intervention militaire française en Algérie. Rien de moins ! La dame Le Pen a donc pris sa belle plume pour demander l'interdiction de la double nationalité.

 Le propos aurait été anodin - des pays qui exigent une nationalité exclusive, cela existe sans que cela fasse scandale -, s'il n'y avait l'argumentaire développé par la führerin du FN. En premier lieu, la référence à la traditionnelle cinquième colonne que représenteraient les «binationaux». Les cousins d'en France nous pardonneront de ne pas nous étendre sur le sujet. Par contre, on devine parfaitement la joie mauvaise de Marine Le Pen à l'idée de voir des avions français dans le ciel d'Algérie bombarder des positions algériennes pour - délicieuse revanche ! - défendre les populations algériennes.

 En ces temps amnésiques, où, par haine des régimes, certains parmi nous se sont faits «otanisateurs», l'outrance démagogique de Marine Le Pen incite malgré tout à la réflexion. Il y a déjà 20 ans, dans les colonnes du Quotidien d'Algérie, l'historien Benjamin Stora soulignait qu'il y a un «un inconscient français qui rêve de revanche». Désormais, on peut observer qu'il ne relève plus de l'inexprimé. Et on peut être certain qu'il ne se limite pas aux franges ? en expansion - de l'extrême droite.

 Tant de hargne mise par une bonne partie de la classe politique française - y compris celle qui se veut respectable - à chercher des prétextes pour stigmatiser les allogènes, ces «Français de papier » ne peut qu'être le prurit d'une histoire inassumée. Ou, peut-être, faudrait-il parler d'une haine recuite qui se cherche un nouveau mode d'expression ?

 La fille du criminel de guerre surfe d'abord sur l'actualisation des vieilles thèses néocoloniales habillées du soutien aux «peuples» contre les régimes. Après la destruction «démocratique» de l'Irak, la Libye est donc en train de servir de «modèle» pour le retour en fanfare des «civilisateurs». Dame Le Pen, comme son sinistre géniteur, est une éloquente représentante de ces phares des plus hautes valeurs humaines qui se prennent soudain d'un amour infini pour les Libyens !

 Et personne n'en doute, Dame Le Pen cèle dans son cœur un amour encore plus intense et irraisonné pour les Algériens. Une passion si vive qu'elle envisage que les avions de la France et de l'Otan viennent égayer un ciel trop bleu, définitivement perdu.

 Héritière d'un nationalisme haineux, somme de tous les échecs, cette animatrice d'estrade - qui pourrait bien être présente au second tour des présidentielles de l'an prochain - démontre la même absence de hauteur de vues et de sens de l'histoire que celui de son père.

 Pourtant, le fait qu'elle invoque l'absence de «liberté» en Algérie donne à réfléchir. C'est l'axe de justification «moderne» des ingérences, où ceux qui méprisent les peuples font mine de se soucier de leurs libertés. Et si des opposants, comme le Syrien Ghalioun et d'autres, marquent clairement leurs distances à l'égard des sollicitudes de l'Ouest, tous ne sont pas dans ces dispositions d'esprit.

 Même si Marine Le Pen n'appelle que le mépris, le régime algérien en particulier se tromperait singulièrement s'il prenait à la légère le message. Les nations où les citoyens sont libres et organisés sont les seules capables de se défendre contre les nouvelles menaces qui ne prennent même plus la peine de se dissimuler.