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Comment orienter les «révolutions» arabes et
canaliser les révoltes opulaires dans le sens des intérêts de l'Occident ? La question s'est posée
immédiatement aux dirigeants de l'Ouest après les premiers instants de stupeur
devant les développements en Tunisie du suicide de Mohamed Bouazizi.
Ne pouvant ouvertement fouler aux pieds leur credo démocratique, les porte-parole de la Civilisation se sont vite résolus, sans états d'âme particuliers, à sacrifier leurs amis de la veille sur l'autel du réel des intérêts. Exit donc Ben Ali et Moubarak et lancement d'une étrange campagne de célébration des «révolutions» arabes, tandis que la chasse aux immigrés clandestins montait de plusieurs crans. Mais, à part promettre des financements comme l'a fait récemment le G8, les Occidentaux n'ont guère de levier sur les dynamiques politiques qui agitent le monde arabe. Le seul à leur disposition est de fait le levier militaire pour peser sur le cours d'une histoire en mouvement. L'intervention de l'Otan en Libye, habillée, comme d'habitude, des plus nobles intentions et fondée, comme toujours, sur le socle en airain de l'humanisme, en est l'exemple le plus patent. Le colonialisme revisité puise les prétextes à ses aventures militaires dans l'argumentaire des néoconservateurs, ultimes idéologues du marché armé. C'est bien pour contrer la machine de propagande qui s'est à nouveau mobilisée que des intellectuels de l'opposition syrienne ont réagi publiquement à une pétition intitulée «S.O.S. Syrie» et publiée le 25 mai par le journal Le Monde. Dans un article intitulé «Bernard-Henri Lévy, épargnez aux Syriens votre soutien !», ces intellectuels en opposition au régime de Damas montrent qu'ils ne perdent pas la tête. Le «S.0.S. Syrie», qui joue pesamment sur le registre usuel de l'émotion, a été initié par la direction effective de la scène politico-médiatique française et signé par des «personnalités» de divers horizons, mais qui pour l'essentiel sont des militants actifs de la cause d'Israël. La réaction de Burhan Ghalioun, écrivain et professeur à la Sorbonne, Subhi Hadidi, écrivain et journaliste, et Farouk Mardam Bey, éditeur publié par le site d'information Médiapart, mérite d'être amplement citée. Elle articule clairement le point de vue de ceux qui réclament la liberté pour leurs peuples, tout en refusant les manœuvres de ceux qui agissent au titre d'agendas de puissances néocoloniales. «A l'initiative de Bernard-Henri Lévy, un texte a été publié dans Le Monde du 25 mai 2011 sous le titre S.O.S. Syrie, qui dénonce les crimes commis par le régime de Bachar al-Assad et appelle à la solidarité avec le peuple syrien dans sa lutte pour la liberté. Nous jugeons pour le moins indécent que des personnes comme Bernard-Henry Lévy, qui se sont toujours illustrées par leur hostilité aux revendications légitimes du peuple palestinien et par leur coupable complaisance pour la colonisation des territoires occupés, y compris le Golan syrien, tentent de récupérer le mouvement populaire en Syrie au moment où il affronte avec un admirable courage la terrible machine répressive d'un pouvoir aux abois». On ne peut être plus clair, mais la réponse des intellectuels syriens est encore plus cinglante : «Nous considérons ce texte et toute initiative qui serait prise dans l'avenir par S.O.S. Syrie? comme des manœuvres sordides qui visent à détourner l'opposition démocratique syrienne de ses objectifs et portent atteinte à sa crédibilité devant son peuple». Ces Syriens opposants, qui gardent la tête froide et n'oublient pas les fondamentaux de la scène régionale, sont d'autant plus dignes qu'ils se positionnent courageusement sur une ligne de crête : aucune complaisance à l'égard de la dictature, aucune compromission avec les ennemis des peuples en Palestine et ailleurs. |
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