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L'ersatz de vie politique de mise en Algérie n'a jamais été amusant et encore moins passionnant. Depuis
des années, les Algériens ne cherchent même plus les «codes» pour essayer de
comprendre. Ils regardent ailleurs ou bien tentent de s'organiser pour revendiquer
de meilleurs salaires ou de meilleures conditions de travail.
Et pourtant, des journalistes, dont c'est le métier de suivre le substitut de vie politique en vigueur, ont été déridés par la sortie de Hachemi Sahnouni, un des fondateurs du FIS, s'étonnant que le Premier ministre Ahmed Ouyahia démente l'information sur l'élargissement des islamistes encore en prison. M. Sahnouni semble naïvement avoir découvert l'eau chaude en se demandant s'il existe en Algérie «deux ou trois pouvoirs» qui dirigent l'Algérie. C'est pourtant la thèse centrale de très nombreux politologues et une idée maîtresse de nombre d'opposants et même d'hommes du régime. Pour beaucoup d'entre eux d'ailleurs, la réforme politique, si elle veut être sérieuse, n'a pas besoin de triturer les textes mais doit aborder la manière de résoudre cette dichotomie entre pouvoir réel et pouvoir formel. Il faut reconnaître cependant que la naïveté de l'interrogation n'enlève rien de sa pertinence. Encore faut-il remarquer que les islamistes n'en finissent décidemment pas de découvrir qu'ils négocient des accords avec des gens du pouvoir? qui n'engagent jamais le pouvoir. Pour ceux qui ne doutent pas qu'il existe un pouvoir pluriel en Algérie, où les décisions mûrissent lentement et se négocient avant d'être prises, cette nouvelle affaire de libération ou non des islamistes est susceptible d'un décryptage basique. Il y a eu une annonce de la part de MM. Abdelfetah Ziraoui et Hachemi Sahnouni sur une prochaine libération de milliers d'islamistes. Cette annonce s'est faite à travers une lettre adressée au président Bouteflika dans laquelle ils saluent la «bonne et courageuse décision ». On peut présumer que les deux hommes ne sont pas des fous et n'ont pas vraiment inventé cette histoire, même si on ne connaît pas leur interlocuteur au sein du pouvoir. On est désormais fondé à penser aujourd'hui qu'ils n'en ont pas discuté avec M. Ahmed Ouyahia. Cela relève encore du factuel. Ensuite, on entre dans le vaste territoire de l'interprétation ou de la supputation. On peut ainsi voir dans le démenti d'Ahmed Ouyahia le signe qu'une partie du pouvoir rejette l'idée de l'élargissement de ces islamistes. C'est ce que suggère «l'étonnement» de M. Sahnouni. Mais comme on est dans le champ de l'interprétation sans fin, on peut aussi penser que le pouvoir, dans ses différents compartiments - y compris la Présidence -, vient en définitive de signifier que l'idée d'une libération des islamistes n'est plus de mise. M. Ouyahia peut exprimer la défiance d'une aile du pouvoir contre une présumée mesure d'amnistie présidentielle. Il peut aussi exprimer le consensus général du pouvoir qui aurait fini par renoncer à une option. Ceux qui se font métier d'observer la «vie politique» algérienne ne peuvent que constater que toutes les hypothèses sont possibles. Et que cela est dans la nature même du régime politique algérien, où rien n'est jamais tout à fait ce qu'il semble être. |
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