« Retentissement de l'œuvre de Mohammed
Dib» est le thème du colloque international qui s'est tenu du 14 au 16 mai au
sein du palais de la culture d'Imama. Organisé dans
le cadre de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique» sous
l'égide du CNRPAH, avec la collaboration de l'UABT et
l'association «La Grande
Maison», cet hommage a été marqué par la remise du prix
littéraire éponyme (4ème session) dont le jury était présidé par Nadjet Khadda), frappé pour la
circonstance du double sceau du «multilinguisme» (3 versions) et de «la culture
islamique» (2011). Le programme comprenait cinq volets: une série de
communications, des tables rondes, des ateliers, des spectacles et des
expositions. «Nous sommes fiers de constater que Tlemcen, ville natale de
Mohammed Dib et premier lieu d'écriture est au cœur du paysage culturel?L'œuvre
de Dib affiche une triple singularité: celle d'être en Algérie au panthéon des
œuvres algériennes de langue française, acceptée tout à la fois par les
francophones, les arabophones et les berbérophones et reconnue dans son algérianité par tous les lectorats?», a souligné Mme Sabéha Benmansour, présidente de
ladite association. Wacini Laredj,
écrivain, enseignant à Alger et Paris, parlera de la «Langue hybride; langues
silencieuses ». L'enfant de Maghnia tiendra à rendre
hommage à Omar Dib: «C'est grâce à lui que j'ai eu accès à la trilogie (La Grande Maison, Le
Métier à tisser et L'Incendie), lorsqu'il exerçait comme surveillant général au
lycée Dr Benzerdjeb que j'avais fréquenté?». L'écrivain
considère que «l'œuvre de Mohammed Dib est née dans le déplacement et c'est
dans le déplacement qu'est née cette hybridité». Ce nomadisme de Dib est
ponctué par plusieurs stations:Tlemcen, Oujda, Zoudj Beghal, Oran, Alger, Paris, Helsinki, Californie? «Mes images
mentales appartiennent à l'arabe parlé», disait Dib selon qui «Les Algériens
devraient avoir honte d'écrire en arabe classique». La question de l'étranger (émigré
ou exilé) porte un système linguistique (côté hybride). «Vous n'avez pas gardé
les chameaux avec nous et nous n'avons pas gardé les cochons avec vous», écrivit
dans ce sillage Dib. Le Syrien Salim Droubi a le
mérite d'avoir été le premier à traduire en arabe la trilogie de Dib mais «on
doit restituer (traduire) à partir de cette problématique populaire (arabe
dialectal), ceci dit, on doit revoir ces traductions?», estime Waciny. Il se réfèrera à Ibn Arabi
quant à «La négation dans l'autre, la forme suprême, soit l'écriture qui
représente le dernier stade mystique, l'effacement?». «La traduction» sera
abordée par Mourad Yelles, enseignant (Paris), chercheur
au CNRPAH (Alger). «C'est quelqu'un qui a eu le mérite d'apporter avec sa
délicatesse cette tendresse envers le monde», dira-t-il au sujet de l'œuvre de
Mohammed Dib. La question de la traduction est présente très tôt dans l'œuvre
de Dib; en témoignent les nombreuses «citations» de la tradition orale
maghrébine dans les premiers romans, selon ce spécialiste de la littérature
maghrébine. «Contrairement à ce qui est admis, la
traduction produit de l'opacité et son principe est de maintenir le
malentendu?», fera remarquer, quant à elle, Batoul Benabadji-Settouti de l'université Abou Bekr
Belkaïd de Tlemcen. Elle jettera un regard sur «Les
sources de l'inspiration ou «la traduction intérieure» dans l'œuvre de Mohammed
Dib» où l'on voit foisonner dans le texte de Dib, souligne-t-elle, des
traductions intérieures souvent spontanées, parfois élaborées et qui
constituent des infiltrations lexicales ou thématiques qui proviennent de
langues ou de contextes non-français. On pourra
parler d'inter-culturalité et d'intertextualité qui s'appuient essentiellement sur l'inspiration et la
traduction. D'après son approche, les sources
d'inspiration de Dib sont illustrées par les transcriptions (harira, sirath, dirhems, Iblis, Déjil, çadaqa, Hawa?), les traductions (extraits de Sourate du Coran: La Caverne; Le Voyage
nocturne), les incantations («Mets la lumière dans mon cœur ; mets la lumière
dans ma vue»), les dictons et maximes («La mort pour nous est une couverture
d'or» ,«Au siècle quatorzième, ne cherche point de salut, est-il dit »), les
expressions clichés (comme une morte entre les mains de sa laveuse »?), les
fausses traductions (Klir au lieu de Hitler?), les
traductions inattendues («Que la bouche te tombe», «Griffe-toi la figure »), les
devinettes (sur la tortue), les chansonnettes («Oh ! Mama-
la- maritorne?», «A bechakchak, chak,
chak?»? A noter un leitmotiv du président de séance
Paul Siblot (Montpellier) à l'intention des
communicants: «Quel est l'attachement personnel que vous portez au travail et à
l'œuvre de Mohammed Dib ?». En marge des séances plénières, une première table
ronde autour de la problématique «L'écriture est-elle par essence une
traduction ? regroupera Mourad Yelles,
Samira Negrouche, Rabah Nourredine
Saâdi, Ibrahim Tazghart, Habib
Tengour et Amine Zaoui. Une
deuxième consacrée aux «Pratiques de traduction» sera animée par Khaoula Taleb Ibrahimi, Wahid Ben Bouaziz, Sofiane Hadjadj, Mohammed Sari, Marcel
Bois, Ahmed Menour? Mentionnons la présence de Ahmed Bedjaoui, conseiller de la ministre de la culture, ainsi
que la participation comme invités d'honneur de Faïz
et Assia, le fils et la fille de Dib (une pensée sera
adressée à sa femme Colette absente pour raison de santé).
Au
programme animation, du théâtre avec «Simorgh» et
«L'Aube d'Ismaël», deux spectacles produits par l'atelier de théâtre de «La Grande Maison» et du
cinéma «La terre parle arabe», un film documentaire réalisé et présenté par
Maryse Gargour. Avec en prime deux expositions
thématiques (calligraphie en hommage à Dib par l'artiste Talhaoui
de l'atelier «Khatt « et photos dédiées par
l'association «La Grande
Maison»)? Le colloque a été clôturé lundi avec une
communication de Djilali Sari intitulée «Mohammed Dib
(1920-2003): témoin et communicant de son siècle».