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Mercredi 4 avril. Pôle spécialisé d'Oran. 9 heures tapantes. La
présidente d'audience appelle l'affaire Sonatrach/Safir. C'est le prononcé du verdict, en délibéré depuis une
semaine. L'inquiétude est palpable, côté accusés comme côté public, composé
majoritairement des familles des cinq cadres prévenus. Les yeux oscillant entre
ses feuilles et les visages des accusés debout un cran en bas, d'une voix
neutre, Mme Gharbi énonce la sentence : deux ans de
prison dont un an ferme pour Meziane Mohamed (l'ex-PDG
de la compagnie pétrolière nationale), un an de prison dont quatre mois fermes
pour Feghouli Abdelhafid (ex-vice
président du groupe, PDG de la filiale activité Aval), Benamar
Touati (PDG de la filiale Sonatrach
: Cogiz), Henni Mekki (DG
des études et du développement de Sonatrach), Nechnech Tidjini (DG de la
coentreprise algéro-française Safir).
Les peines sont assorties d'amendes, 500.000 DA pour Meziane
Mohamed, 200.000 DA pour les quatre autres. En même temps que la magistrate égrenait
les condamnations, fusaient du fond de la salle les interjections et les
commentaires tout crus : «Ah !», «Oh, mon Dieu !», «C'est sévère ! C'est
injuste !»?
Entrecoupés de «Chut !» pour réclamer le silence. A ces décisions de la justice, la plupart des présents dans le prétoire demeurent figés, émus, presque égarés, ne savant s'il faut s'en réjouir ou, au contraire, s'en attrister. C'est que, pour beaucoup, pareilles peines de prison comprenant une dispense d'exécution partielle (une partie de la durée infligée mise en sursis) n'étaient pas quelque chose de courant. Après des éclaircissements d'avocats, transmis de bouche-à-oreille, de rangée en rangée, un air quasi général de soulagement, voire de joie, s'est fait sentir dans la salle. Car, au-delà de la condamnation de Feghouli et consorts, les familles présentes étaient consolées, contentes même, d'apprendre qu'en vertu des décisions fraîchement rendues par le tribunal, les leurs allaient quitter la prison dès hier. Effectivement, incarcérés depuis le 20 décembre 2010, Feghouli Abdelhafid, Benamar Touati, Henni Mekki et Nechnech Tdjini ont déjà purgé leur peine de prison (quatre mois), leur levée d'écrou devenant donc automatique. Paradoxalement, c'est l'ancien patron de Sonatrach, Meziane Mohamed, seul des quatre prévenus à avoir bénéficié de la liberté sous contrôle judiciaire au cours de la procédure diligentée au départ par le juge d'instruction près le tribunal d'Arzew, qui a essuyé la sanction la plus lourde. Ayant échappé à une mesure -qui était certes peu probable mais possible tout de même théoriquement- de contrainte à corps que le tribunal aurait pu ordonner, l'ex-n°1 de la compagnie pétrolière nationale aura un autre rendez-vous avec la justice à l'occasion d'une autre affaire devant la cour d'Alger où il est impliqué avec ses deux fils. Dans une réaction immédiate à la décision rendue par le tribunal, les avocats de la défense ont exprimé leur déception, dans la mesure où «l'on s'attendait à une relaxe pure et simple de l'ensemble des accusés, étant donné qu'il s'agisse manifestement d'un dossier creux, dépourvu de toute substance pénale.» Relativisant, certaines robes noires n'étaient pas aussi pessimistes, assurant qu'elles allaient interjeter appel du verdict de la première instance. Côté accusation, tout porte à croire que le ministère public devrait faire appel pour sa part, puisque la sentence rendue était à mille lieues des réquisitions du parquet. Le tribunal n'a pas eu à statuer sur l'action civile car, tout simplement, la partie civile, Sonatrach, s'était dit la dernière fois par la voix de son conseil maître Frioui, «non lésée, aucun préjudice» dans cette affaire, prenant même fait et cause pour les cinq cadres accusés, poursuivis pour «passation de contrat contraire à la réglementation (le code des marchés)» et «dilapidation de deniers publics». Au cœur de l'affaire, un marché de réalisation d'un complexe de stockage d'azote, composé de deux stations, une à Arzew et l'autre à Ouargla d'un coût global de près de 680 millions de DA. Il est reproché aux gestionnaires de ce projet de l'avoir scindé en deux tranches, octroyé la 1e à la compagnie India Inox par voie d'appel d'offres et la 2e à Safir par la formule du gré à gré. Le lot II relatif à l'étude et la réalisation du complexe d'azote a été confié par Sonatrach, via sa filiale Cogiz spécialisée dans la commercialisation des gaz (principalement l'azote et l'hélium), à Safir par gré à gré, quatre mois avant la réception du «ok» de l'état-major du groupe Sonatrach, représenté par son PDG Meziane Mohamed. En d'autres termes, Safir s'était déjà adjugé le marché, de manière horizontale, bien avant que la décision officielle n'ait été prise, de manière verticale. Quand la «bénédiction» du marché en faveur de Safir est tombée du sommet de la pyramide de Sonatrach en passant par sa section Aval, qui en a pris à son compte le financement au prétexte que Cogiz n'avait pas le calibre d'un tel chantier financièrement parlant, le joint-venture Safir était déjà à pied d'œuvre. |
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