La mort d'Oussama Ben Laden, sitôt rendue publique, a suscité
commentaires et analyses de par le monde, sur la capacité jihadiste
d'Al Qaïda et ses lendemains incertains.
Pour nombre
d'observateurs, la disparition du guide spirituel de la nébuleuse terroriste ne
saurait en aucun cas être assimilée, sur le terrain des opérations, à la fin de
l'activisme islamiste. Si les analyses convergent sur l'affaiblissement
antérieur à l'opération commando de dimanche dernier, d'Al Qaïda,
des points de vue divergents subsistent, toutefois, sur le devenir des groupes
armés qui ont prêté allégeance à l'ex milliardaire saoudien. Ainsi, et pour
Mohammad Abou Roummane, Jordanien, spécialiste des
mouvements islamistes, «Oussama Ben Laden
représentait un symbole. Avec sa mort, Al-Qaïda va
connaître une crise de succession, car aucune autre personnalité du réseau ne
possède le charisme de Ben Laden». La vision de Abou Roummane
est également partagée par Anouar Eshki,
directeur de l'Institut du Proche-Orient pour les études stratégiques, basé en
Arabie Saoudite. «Il est difficile de trouver quelqu'un qui va succéder à Ben
Laden, et les Saoudiens, au sein de l'organisation, n'accepteront jamais de
suivre les ordres de Zawahiri», expliquera-t-il. Ainsi,
et même s'il ne fait pas l'unanimité autour de son nom, la probable
«intronisation» du n°2 d'Al Qaïda est plus que
d'actualité. Pour le Jordanien Abou Roummane, «l'Egyptien
Ayman al-Zawahiri ne fait
pas l'unanimité parmi les membres de la nébuleuse». Pour Dominique Thomas, spécialiste
des mouvements islamistes, même s'il opte pour la carte Zawahiri,
n'en exclut pas pour autant d'autres noms moins médiatiques. «Un Saoudien, un
Yéménite, un Libyen ou un Pakistanais comme Elias Cashmiri»,
expliquera-t-il. Pour sa part, Hassan Abou Hanieh, un
analyste spécialisé dans les mouvements jihadistes, basé
à Amman, estime que la mort de Ben Laden «aura surtout un impact symbolique sur
les groupes qui se réclament de lui, car il ne les contrôlait plus directement
depuis le 11 septembre 2001». Dominique Thomas explique quant à lui, dans une
interview donnée à «20 Minutes» que la mort de l'ex-n°1 du réseau terroriste ne
signe pas la fin du mouvement jihadiste. A la
question de l'impact de la mort de Ben Laden sur Al Qaïda,
il répondra qu'étant au Pakistan, «il ne devait pas recevoir beaucoup de
visites (...) Ben Laden, c'était un symbole, une icône, qui donnait quelques
orientations dans des vidéos. Il y a bien longtemps que cette mouvance a passé
un cap et n'est plus sous sa responsabilité». Ainsi toutes les analyses se
rejoignent pour affirmer, d'un côté le rôle «mineur» que jouait l'homme, le
plus recherché du monde, dans l'aspect organisationnel de la nébuleuse mais
également lui reconnaitre, d'un autre côté son «aura»
et sa qualité de «guide spirituel» des groupes islamistes armés. Dominique
Thomas évoquera, à propos de ces derniers, l'Aqpa, «Al-Qaida dans la péninsule arabique», l'Aqmi,
«Al-Qaida au Maghreb islamique» ou encore le
mouvement des talibans pakistanais, des groupes indépendants depuis longtemps. «Plusieurs
personnages symboliques du réseau ont été tués ces dix dernières années, ça n'a
pas empêché le mouvement, même affaibli, de se développer sur le plan des idées
et de s'étendre au niveau géographique», dira-t-il encore. Mais ce qui reste
comme une certitude, c'est la crainte des capitales occidentales d'une réaction
violente de ces mêmes groupes qui pourraient se traduire par des attentats kamikazes
ciblant leurs intérêts un peu partout dans le monde. Des représailles qui
pourront viser «le Pakistan pour sa collaboration et les intérêts américains
dans le monde» si l'on croit les analyses de Dominique Thomas. Mais au-delà de
simples constats, la menace paraît plus qu'imminente puisque Washington et ses
alliés appelaient, hier, à la vigilance, craignant des représailles jugées
inévitables par les experts, en dépit de l'affaiblissement opérationnel des
réseaux d'Al-Qaïda. Interpol, l'organisation de
coopération policière internationale, a mis en garde contre la possibilité
d'«un risque terroriste plus élevé», appelant ses pays membres à une «vigilance
accrue». Par ailleurs, plusieurs pays ont annoncé un renforcement de la
sécurité de leurs intérêts à l'étranger, comme le Royaume-Uni ou la France. Cependant,
le pays le plus menacé par d'éventuelles représailles est les Etats-Unis. «Il
n'y a aucun doute sur le fait qu'Al-Qaïda va
continuer à essayer de s'en prendre à nous. Il nous faut rester vigilants dans
notre pays et à l'étranger», a prévenu le président américain Barack Obama. Pour Frank Faulkner,
conférencier sur le terrorisme à l'université britannique de Derby, toute la
question est de savoir «quand et où» auront lieu ces représailles. John Gearson, directeur du centre d'études de défense au King's
collège de Londres prévient les Etats-Unis qu'ils «vont souffrir car les djihadistes ont tendance à venger leurs chefs assassinés». La
mort du chef d'Al-Qaïda en Irak, Abou Moussab al-Zarkaoui, en juin 2006,
est cité en exemple par Mathieu Guidère, universitaire
français et spécialiste du monde arabe. Le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen a estimé que les opérations militaires de
l'Alliance en Afghanistan devaient continuer et qu'elles n'ont rien à voir avec
la disparition de Ben Laden.