|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Une majorité des pays de l'UE sont, en réalité, sur la même position que la France et l'Italie sur la
question migratoire. Confrontés, conjoncturellement, à un flux migratoire de
quelques milliers de migrants, ils réagiront exactement pareil. Peut-être même
pire. Alors ?
Il faut reconnaître au président français, Nicolas Sarkozy, le courage d'affirmer publiquement la fidélité à ses convictions politiques, celles basées sur un nationalisme décomplexé, voisin de l'extrême droite. Et ce n'est sûrement pas sur la question de l'immigration qu'il assouplira sa vision ou révisera son vocabulaire. L'occasion est trop intéressante pour ne pas s'en saisir en ces temps de crise économique en Europe et surtout en cette année préélectorale en France. Ministre de l'intérieur en 2002- 2003 et en 2005-2007, il n'a cessé de sonner la charge contre l'immigration, l'accablant de tous les maux de la France et confondant, intentionnellement, immigration légale et illégale ; immigration et chômage ; immigration et insécurité ; immigration et identité, etc. Le bénéfice fut immédiat : il devint président de la France grâce aux voix du Front national. «Il faut reconnaître à chaque Etat le droit de fixer chaque année, catégorie par catégorie, le nombre de personnes admises à s'installer sur son territoire», déclarait-il en 2005, lors de son retour à la tête du ministère de l'Intérieur. A Rome où il s'est entretenu avec son jumeau politique Silvio Berlusconi sur le flux circonstanciel des migrants tunisiens et égyptiens, Sarkozy persiste dans sa démarche démagogique. Le problème est qu'il n'est pas le seul chef d'Etat européen à crier haro sur l'immigration. Plusieurs de ses collègues européens sont tentés d'agiter le spectre d'une «invasion étrangère» pour les mêmes raisons électoralistes ou pour évacuer en marge les vraies raisons de la crise économique et sociale qui fait des ravages, spécialement dans les catégories populaires. Le 11 avril dernier, les ministres de l'Intérieur de l'UE, réunis en conseil à Luxembourg, se sont déchirés sur le sort qui doit être réservé aux migrants arrivés en Italie. Pas dans le sens que l'on croit, celui du droit et de la raison, à défaut de la vérité sur les flux migratoires. La Suisse, Malte, la Belgique et l'Allemagne ont joint, lors de ce conseil, leur «colère» à celle de la France en dénonçant l'octroi de titres de séjour provisoires que l'Italie a délivrés aux Tunisiens et aux Libyens. Ils ont qualifié la «décision italienne - les titres de séjour - de viol de l'esprit de la convention de Schengen». C'est ce que dit Sarkozy. Et c'est inexact. L'Allemagne a fait mieux : «Avec moins de 30.000 migrants arrivés à Lampedusa, on est loin d'un afflux massif. C'est un problème italien, et pas question d'octroyer à Rome le moindre soutien financier», a déclaré son ministre de l'Intérieur. C'est encore inexact. Parce que la Convention de Genève de 1951 oblige les Etats signataires à assurer la protection des réfugiés et demandeurs d'asile. Le permis de séjour provisoire est une obligation administrative de droit, en attendant le traitement du dossier du demandeur d'asile. Donc, le gouvernement de Berlusconi a appliqué une règle de droit internationale, entérinée par le droit européen et communautaire. Quant à la remarque allemande sur son opposition à l'appui financier de l'Union à l'Italie, rappelons à son ministre que l'Italie a bénéficié du Fonds de soutien européen aux réfugiés de plus de 5 millions d'euros en 2010, et de plus de 10 millions d'euros depuis janvier de cette année. Excepté les pays du Nord européen et ceux de l'ex-Europe de l'Est qui n'attirent pas encore les flux migratoires, tous les autres pays de l'Union sont dans la même position que celle du président français. Ils dénoncent le refus de Sarkozy de laisser circuler librement les détenteurs de titres de séjour temporaires et déclarent dans le même temps que c'est «un problème italien» : entendez qu'il faut laisser Berlusconi se débrouiller seul avec les migrants tunisiens. Ils rappellent dans les communiqués les conventions et résolutions de l'Union (Parlement, Commission et Conseil) et le devoir de solidarité entre les membres de Schengen (25 pays) et se refusent à assister l'Italie (ainsi que la Grèce et Malte), que ce soit financièrement ou en accueillant, provisoirement, quelques dizaines ou centaines de migrants. A ce stade du mensonge politique et du reniement des principes de base de l'Union par une bonne partie des Etats européens, faut-il en déduire que les attitudes de Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi sont justes ? Non. Seulement, les deux présidents assument publiquement une politique populiste sans gêne, alors que les autres le sont autant, mais profitent de l'immense prolifération de règles, conventions, résolutions, accords, etc. propres au fonctionnent de l'UE, pour faire semblant de s'élever contre la France et l'Italie, tout en pensant la même chose. Confrontés à la même situation que l'Italie ou la France, les autres pays européens réagiraient exactement de la même façon, peut-être plus durement. Toute cette révolution en Europe pour moins de 30.000 nouveaux migrants. Il faut aussi rappeler que la population immigrée représente en Europe un peu plus de 8,6% de la population globale, contre 12,9% aux USA. Patience : selon les études démographiques de l'UE et de l'OIM (Organisation internationale de la migration), l'Europe aura besoin, d'ici à 2050, de 47 millions d'immigrés pour rajeunir sa population et maintenir un taux de croissance positif. Soit 1 million d'immigrés par an. L'Europe se fait vieille, et ses dirigeants ont des réactions de vieux, dépassés par leurs jeunesses. Comme ceux des pays arabes. |
|