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En
se basant uniquement sur l'impression que lui ont laissée des images diffusées
par la télévision, maître Ali Yahia Abdennour s'est fait au jugement que le chef de l'Etat ne
serait plus en capacité d'exercer ses fonctions. Et c'est sur ce jugement qu'il
a appuyé son appel à l'éviction de ce dernier.
Il serait tout de même consternant que l'avocat qu'il est n'ait pas eu conscience de la légèreté de l'argument dont il a usé. En tout cas, des confrères ne se sont pas fait faute de prendre leurs distances sur sa sortie en faisant valoir, comme l'a soutenu le spécialiste en droit constitutionnel et en droit international maître Madjid Bencheikh, « qu'il n'est pas rationnel et encore moins sérieux pour un juriste, en l'absence d'un bulletin de santé actualisé de Abdelaziz Bouteflika, de se baser uniquement sur des images diffusées par la télévision pour émettre un tel jugement ». Nous ne ferons pas injure à maître Ali Yahia Abdennour d'imputer sa sortie au naufrage de la vieillesse. Le vieux militant infatigable de la démocratie et des droits de l'homme qu'il est nous démontre depuis des semaines qu'il n'a rien perdu de ses facultés. Force donc est de s'interroger sur les raisons qui l'ont mené à faire son appel, dont il sait qu'il n'est pas étayé par des preuves irréfutables. D'autant que cet appel, maître Ali Yahia Abdennour l'a adressé à l'armée, lui le légaliste et le pourfendeur acharné de l'implication des militaires dans la sphère politique. C'est donc légitimement que l'on peut le soupçonner, sinon d'avoir été manipulé, du moins d'avoir été convaincu par des tiers que seule une intervention de l'armée peut faire amorcer le processus conduisant à la démocratisation du pays pour laquelle il se bat sans relâche. Maître Mokrane Aït Larbi, qui partage avec Ali Yahia Abdennour le même engagement pour la démocratie et la défense des droits de l'homme, s'est lui interrogé sur la signification à donner pour le moment choisi par son confrère pour appeler à la destitution du président de la République. Pourquoi en effet cet appel intervient après que Bouteflika eut annoncé qu'il va prendre l'initiative d'une révision profonde de la Constitution et d'une batterie de réformes politiques ? Peut-être alors que les contenus de cette révision constitutionnelle et de ces réformes politiques n'agréent pas à certains cercles du pouvoir, ce qui les aurait poussés à envisager l'éviction de leur auteur. Une éviction «sèche» sous la forme d'un coup d'Etat militaire étant exclue pour la raison que ce procédé risque de s'avérer périlleux pour ceux qui y auraient recours, peut-être que les adversaires de Bouteflika songent à la destitution pour raison de santé. Dans ce cas, la sortie de maître Ali Yahia peut se décrypter comme ayant servi de ballon-sonde destiné à jauger des réactions nationales et internationales sur une telle éventualité. Se pose alors la question de savoir si maître Ali Yahia a agi en pleine conscience du rôle qu'on a voulu lui faire jouer. Si c'est le cas, alors il faut aux Algériens voir sous un autre angle l'effervescence politique déclenchée et entretenue depuis quelques mois par la Coordination nationale pour le changement démocratique, dont le vieil avocat est la figure emblématique. L'Algérie, il est vrai, est une exception dans le monde arabe, non pas parce qu'elle n'est pas concernée par le changement et la démocratie, mais parce que tout ce qui se passe en surface chez elle cache la réalité des véritables enjeux qui font agir monde du pouvoir et monde de la politique. |
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