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Le président du CNT revient à la charge: Les insurgés libyens veulent toujours impliquer l'Algérie

par Yazid Alilat

Le chef de l'opposition libyenne Mustapha Abdeldjalil a de nouveau accusé dimanche à Koweït l'Algérie d'aider militairement le régime de Mouammar Kadhafi. Dans des déclarations à la presse durant sa visite dans le petit émirat pétrolier du Golfe, le chef des insurgés est revenu à la charge pour faire porter à l'Algérie sa responsabilité dans la présence de mercenaires aux côtés des troupes loyalistes au régime libyen. Il a affirmé que le colonel Kadhafi avait utilisé des avions algériens pour transporter des mercenaires africains combattant aux côtés de ses forces. «Nous avons des preuves qu'il y a des mercenaires de Mauritanie et de Serbie, des experts militaires de Russie et des femmes de Colombie», a par ailleurs dit le président du Conseil national de transition libyen, jusqu'ici reconnu seulement par la France, l'Italie, le Qatar et la Gambie. Des accusations qui, en fait, visent à impliquer l'Algérie dans un conflit où elle a toujours appelé au dialogue pour en régler les différends. Dans un entretien au quotidien Echourouk, le chef de la diplomatie algérienne M. Medelci a estimé que ?'continuer à accuser l'Algérie sans preuve affaiblit la position des accusateurs et renforce la position de l'Algérie». Pour autant, ?'le départ de Kadhafi ne doit pas être une condition préalable au règlement politique mais une probabilité parmi d'autres, si les Libyens le veulent», a-t-il ajouté. «L'Algérie respectera la décision du peuple libyen», a encore souligné M. Medelci, selon lequel «il y a un revirement dans les pays qui exigeaient le départ de Kadhafi comme condition préalable» à toute résolution du conflit. «Aujourd'hui ils sont sûrs que c'est impossible si les Libyens ne le veulent pas», a encore ajouté le ministre pour lequel il faut rechercher un règlement sincère de la crise libyenne, sans arrière-pensée.

Le bureau de Kadhafi bombardé

Par ailleurs, la coalition internationale, menée par l'Otan, continue de bombarder les positions des forces de Kadhafi. Dimanche soir, elle a bombardé le bureau du colonel Mouammar Kadhafi, situé dans son immense résidence à Tripoli. Le bureau a été totalement détruit par une frappe aérienne de l'Otan, tandis que de fortes explosions ont été ressenties dans plusieurs quartiers de la capitale survolée par des avions. 45 personnes ont été blessées, dont 15 grièvement, dans le bombardement du bureau du colonel Kadhafi, a indiqué un responsable libyen accompagnant les journalistes sur place, en affirmant ignorer s'il y avait d'autres victimes sous les décombres. «Il s'agit d'une tentative d'assassinat du colonel Kadhafi», a-t-il affirmé. Une salle de réunion, en face du bureau du colonel Kadhafi, a été touchée par le souffle de l'explosion et partiellement détruite. L'Otan avait déjà visé vendredi soir le secteur de Bab Al-Aziziya, où se trouve la résidence du dirigeant libyen, touchée par une frappe aérienne dès le 19 mars dernier. De fortes explosions avaient été ressenties hier vers 00h10 locale dans plusieurs quartiers de la capitale libyenne, cible depuis vendredi de raids intensifs de l'Otan. Les détonations, les plus fortes ayant secoué la capitale jusqu'ici, ont fait trembler l'hôtel hébergeant les correspondants de la presse étrangère à Tripoli, non loin du centre-ville.

Seif Al-Islam, fils du colonel Kadhafi, a qualifié le bombardement du bureau de son père de «lâche». «Cette attaque lâche sur le bureau de Mouammar Kadhafi peut faire peur ou terroriser les enfants mais nous n'abandonnons pas la bataille et nous n'avons pas peur», a-t-il dit dans une brève déclaration à la télévision Al Libiya, affirmant que la bataille engagée par l'Otan en Libye était «perdue d'avance». Les avions de l'Otan ont visé dans la nuit de dimanche à lundi un centre de communications dans le centre de Tripoli qui coordonnait les attaques contre les civils libyens, a annoncé l'Alliance atlantique. «L'Otan a mené une frappe ciblée dans le centre de Tripoli la nuit dernière», selon un communiqué publié hier qui précise que «l'objectif était le centre de communications utilisé pour coordonner les attaques contre des civils». Ce communiqué a été rendu public après qu'une frappe aérienne de l'Otan a détruit le bureau du colonel Mouammar Kadhafi, situé dans son immense

résidence du secteur de Bab Al-Aziziya. Les avions de l'Otan survolaient toujours la capitale libyenne hier matin.

Calme à Misrata, combats ailleurs

A Misrata, à 200 km à l'est de Tripoli, le calme semblait régner hier matin après d'intenses combats qui ont permis aux insurgés de gagner du terrain. Dans la nuit, la ville avait été pendant plusieurs heures la cible de tirs d'artillerie qui ont provoqué des explosions plus violentes que d'habitude. Une douzaine de personnes ont été tuées et une vingtaine d'autres blessées dans ces bombardements nocturnes, tous des civils, hommes, femmes et enfants en bas âge, selon des sources dans différents hôpitaux. Le Dr Mohamed Alfagieh, qui dirige l'hôpital Mujamaa Tiby, a évoqué «des cadavres totalement carbonisés dont on n'est pas sûr que certains sont des corps humains tellement ils sont brûlés».

Les roquettes sont tombées au hasard, sur des habitations mais aussi sur un cimetière, éventrant des tombes, selon des témoins. Hier matin, dans une mosquée, un muezzin chantait en continu «Dieu est grand, il est mon seul guide». «Il chante depuis des heures pour apaiser les gens», a expliqué Seilam Naas, 55 ans, un habitant du quartier de Kharouba, qui a perdu deux cousins en 48 heures, l'un tué par un tireur embusqué, l'autre par une roquette. Samedi, le régime avait annoncé une suspension des opérations à Misrata, où la situation humanitaire devient de plus en plus inquiétante. Selon le vice-ministre libyen des Affaires étrangères, Khaled Kaïm, il s'agissait de permettre aux tribus locales de trouver une solution pacifique dans un délai de 48 heures. Une nette avancée des rebelles a permis dimanche de libérer des habitants enfermés chez eux depuis parfois plusieurs dizaines de jours, à cause des tireurs embusqués qui abattaient tous ceux qui tentaient de sortir. Plus à l'ouest, les forces loyales au colonel Kadhafi ont bombardé dimanche après-midi des zones proches du poste-frontière de Dehiba, à la frontière avec la Tunisie, pour tenter de reprendre la ville de Wazzan, selon des témoignages.

Les forces fidèles au colonel Mouammar Kadhafi ont tiré dimanche soir des roquettes Grad sur la ville de Zenten, au sud-ouest de Tripoli, faisant quatre morts et neuf blessés, selon des habitants. D'après eux, «entre six et huit» roquettes Grad sont tombées sur des habitations. Par ailleurs, des combats étaient en cours hier à Al-Harabah, à 25 km à l'est de Nalout, avec pour enjeu la route reliant Nalout à Zenten, toujours selon des habitants.

 En raison des combats qui ont démarré vers 06h00, la route était coupée. Depuis plusieurs jours, les habitants signalent une recrudescence des combats dans la région de Zenten, avec des tentatives des forces loyalistes de couper les communications entre les localités de cette zone montagneuse qui s'est soulevée dès le début de la révolte contre le régime à la mi-février. La zone s'étend sur plus de 150 km entre Yefren à l'est et Nalout à l'ouest, non loin de la frontière tunisienne où les insurgés ont pris jeudi l'un des principaux postes-frontières. Selon des habitants, des frappes aériennes ont été menées vers 09h00 près de Al-Ruhaybat, à 15 km à l'est de Nalout.