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Malgré les messages d'alerte: Des médicaments dangereux en circulation

par Salem Ferdi

Les médicaments sont utiles, ils peuvent être dangereux. L'information et sa bonne diffusion sont d'une importance vitale dans le sens plein du mot. L'Algérie est-elle outillée pour cela ? Des professionnels en doutent et pointent du doigt des défaillances : des décisions de retrait de médicaments sont prises au niveau central mais sur le terrain, ils continuent d'être vendus et prescrits. La direction de la pharmacie du ministère de la Santé a notifié, en date du 27 mars 2011, une décision de retrait d'un médicament, un collyre de marque Cebemyxine. Ce sont les laboratoires Chauvin qui ont procédé au rappel volontaire du collyre (en solution) Cebemyxine. La note de la direction de la pharmacie souligne que l'ensemble des lots sont concernés par la décision de retrait en raison de la non-conformité de son principe actif. Un mois plus tard, un sondage auprès de plusieurs pharmaciens montre que le produit est toujours sur les étagères. Tous se sont dits surpris de savoir qu'il existait une mesure de retrait sur les produits. Tous affirment qu'ils n'ont reçu aucune information de la part des directions de santé locales en charge de répercuter auprès des différents opérateurs du médicament les mesures décidées au niveau central. Autre anomalie : les médecins ne sont jamais destinataires des messages d'alerte ou de retrait et ils continuent parfois, par défaut d'information, de prescrire ces produits. C'est le cas, entre autres, du Di-antalvic, qui continue d'être prescrit malgré son retrait définitif du marché algérien.

Anomalies

On peut signaler également des alertes pressantes en Europe concernant le Zyprexa (Olanzapine DCI) qui est commercialisé en Algérie et très prescrit par les médecins algériens. Il faut rappeler que la procédure de retrait d'un médicament peut être engagée par la direction de la pharmacie au sein du ministère de la Santé, actuellement dirigée par le Dr Hafed Hamou, ou sur proposition du Centre national de pharmaco- vigilance que dirige le professeur Hellali Abdelkader. Une fois le rapport sur le médicament concerné établi, la direction de la pharmacie lance l'alerte vers les directions de santé de wilaya qui doivent répercuter l'information vers les professionnels de la santé et notamment les structures de stockage du médicament (hôpitaux, officines, grossistes...).

Dans le cas de la Cebemyxine, le fait que le retrait qui concerne l'ensemble des lots ait été initié par le laboratoire fabricant français, soulève la question de la viabilité des contrôles en Algérie. En théorie, le Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP) est censé contrôler chaque lot avant sa mise en circulation sur le territoire.

Plus grave, si des grossistes, au courant de l'alerte sanitaire, ont pris attache avec leurs clients pharmaciens pour demander la restitution du produit, tous ne l'ont pas fait, nous indiquent des pharmaciens. A titre d'illustration, il faut savoir qu'une des grandes pharmacies d'Alger n'a reçu l'information sur le retrait de la Cebemexyne collyre que le 21 avril, soit plus de 20 jours après le signal, à l'occasion de la tenue des Journées pharmaceutiques nationales. Il est clair, estime un pharmacien, que la circulation de l'information pose problème.

Le code barre n'arrive pas?

Depuis le scandale du Mediator en France, la Direction générale de la santé (DGS) et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) ont établi une liste de 77 médicaments, représentant 12 classes thérapeutiques, qui font l'objet d'un «suivi renforcé de pharmacovigilance en France». Même s'il ne s'agit pas d'une liste «noire», ce sont des médicaments présentant un risque potentiel et qui peuvent être retirés à tout moment du marché en cas de problème. Deux autres produits, largement utilisés en Algérie, sont placés sous surveillance au niveau international : il s'agit du Vastarel ou Trimetazidine et du Zyprexa ou Olanzapine, destinés essentiellement aux malades chroniques. Les services de santé sont-ils outillés pour réagir rapidement et alerter les malades à qui l'on a prescrit des médicaments à risque ?

Au cours des récentes Journées pharmaceutiques nationales, des intervenants se sont interrogés sur les retards mis pour l'application du code barre sur les vignettes des médicaments, alors qu'elle a été annoncée et planifiée pour 2009 par le ministre du Travail, Tayeb Louh. C'est pourtant le seul système permettant aux professionnels de la santé et aux pouvoirs publics d'identifier et d'intervenir rapidement auprès des malades sous médicament pour lesquels le rapport bénéfice-risque deviendrait négatif et nécessiterait un retrait du marché.