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Ce qui a changé le plus dans le monde
depuis les dernières assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale en
octobre dernier ? Le monde arabe. Comment ce changement s'est-il répercuté pour
le rendez-vous des "spring meetings" de ce mois d'avril ? Mustapha
Nabli est le nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie. Cet
ambassadeur souriant d'une région arabe qui modifie enfin le regard sur elle, a
fait un retour très en vue à Washington. Portrait en situation.
Un gouverneur de Banque centrale parle peu. Et surtout pas de politique. Sauf s'il vient d'être intronisé par une révolution populaire. Mustapha Nabli, le nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), paneliste au HQ2 du FMI sur la 19e avenue à Washington sur le thème brûlant de la «jeunesse et de l'emploi» dans le périmètre de la révolution arabe, a tranquillement pointé «le politique» pour expliquer l'échec de la croissance tunisienne. Il a cité les mots de «dignité», «corruption», «non éthique», «biens mal acquis» qu'aucun de ses homologues de la région ne peut évoquer en pareille tribune. Les Kleptocrates autoritaires conduisent à la révolte. Il a aussi affiché sa conviction que le processus démocratique tunisien allait asseoir une croissance économique durable, dont tout le monde, y compris Dominique Strauss Kahn, le patron du FMI, admet qu'il faudra en modifier le contenu au profit du plus grand nombre. Mustapha Nabli est à l'aise dans les deux rôles: celui de l'analyste qui souligne les failles du système, et celui du gouverneur qui rassure les investisseurs. A 62 ans, il est apparu durant les rencontres du printemps du FMI et de la Banque mondiale, la semaine dernière à Washington, comme le nouveau visage souriant de la Tunisie révolutionnaire. Ambassadeur du changement arabe, parmi ses pairs de la région, même «la révolution sœur» d'Egypte a maintenu, pour le moment, Farouk Al Ogdah, qui se trouve à la tête de leur institut d'émission depuis décembre 2003. Le discriminant politique dans le Business Cette «légitimité naturelle» dans le débat sur les impasses des politiques économiques dans la région arabe, Mustapha Nabli, ne la détient pas uniquement de l'empathie mondiale qu'a déclenchée la révolution de son pays. Elle vient de son parcours. Docteur en économie de l'université de California, éminent universitaire, aux multiples travaux, il est «mécaniquement» transporté par la vague du changement des premières années de Zine Ben Ali en quête de nouvelles compétences techniques. «Avec le recul des années, les Tunisiens se souviennent surtout qu'il a démissionné du gouvernement où il était ministre du Plan et du Développement des régions» assure une compatriote en poste à Washington. Un geste politique qui lui vaudra de garder une vraie notoriété «d'homme à principe». «Mustapha Nabli a vu de l'intérieur le début de la dérive du système Ben Ali. Cela a inspiré sa production intellectuelle durant les années qu'il a passées à la banque mondiale. Il est l'homme qui a fait le plus émerger le thème de la gouvernance comme paramètre transcendant dans l'évaluation des performances dans la région MENA» (Moyen- Orient Afrique du Nord) explique un ancien collègue à lui dans l'immeuble de la zone Mena. Mustapha Nabli a été durant 9 années, l'économiste en chef de la zone Mena. Un rapport à la veille de son départ peut résumer à lui tout seul «l'impertinence toute nouvelle» qu'il a su insuffler à l'approche des politiques économiques dans cette région si sensible du monde. Il s'agit du rapport sur le secteur privé intitulé «du privilège à la compétitivité», qui montre clairement combien le pouvoir politique demeure un facteur totalement discriminant dans l'acte d'entreprendre. Il provoque une distorsion préjudiciable en faisant, entre autres, «gagner» les «projets amis» et en bloquant les autres. En vérité une chape de plomb sur le «vrai Doing Business» que la chute de Ben Ali a rendu visible pour ceux qui refusaient de le voir. «Une consécration par procuration pour les maghrébins» Mustapha Nabli a été appelé de Tunis dès les premiers jours de l'après Ben Ali. Coïncidence de l'histoire, il venait, depuis six mois, de prendre du recul avec l'opérationnel à la Banque mondiale, travaillant dans un nouveau statut sur des projets - notamment un livre - plus stratégiques. «Il a décliné le ministère des Finances pour le poste de gouverneur de la Banque de Tunisie, avec l'idée dont assurer l'indépendance dans la durée vis-à-vis du pouvoir politique, et je crois qu'il a fait le bon choix» affirme un directeur régional à la Banque mondiale. Mustapha Nabli précise qu'en réalité il a discuté de plusieurs options, lorsqu'il a été appelé de Tunis, et le choix s'est porté finalement sur sa fonction actuelle. De retour à Washington, la semaine dernière pour les «spring meetings», pour la première fois depuis janvier dernier, le nouveau gouverneur de la banque centrale de Tunisie a été accueilli en héros par la communauté des managers de la Banque mondiale qui ont travaillé de longues années avec lui. Une sorte de consécration par procuration, en particulier pour les nombreux Maghrébins des différents staffs de la Banque mondiale. Il a été beaucoup interpellé sur la situation dans son pays, et ne s'est jamais départi d'une description précise et sereine de la dynamique en cours. Mustapha Nabli a, dès son arrivée, engagé les audits de toutes les banques de la place et a assuré que les difficultés prêtées à la balance des paiements tunisienne avant la fin de l'année 2011 ne sont pas «certaines, même si elles ne sont pas à écarter». Il relève, sans l'afficher comme un trophée, que le dinar tunisien a bien résisté aux troubles des derniers mois, sa parité étant quasiment inchangée face à l'euro. Un point de vue s'est exprimé en Tunisie pour demander au nouveau gouverneur de la Banque centrale d'emprunter le chemin de l'Argentine qui a suspendu le remboursement de sa dette extérieure entre 2001 et 2005, et ne pas sacrifier les besoins de la population tunisienne. Mustapha Nabli a été dans une lettre ouverte invité à auditer la dette publique tunisienne pour en identifier la partie indue, «la dette du dictateur», et négocier son non-remboursement en s'appuyant sur des jurisprudences du droit international. Le nouveau gouverneur de la Banque de Tunisie a promis le 21 janvier dernier en prenant ses fonctions, que la Tunisie honorerait «tous les engagements de sa dette dans les délais». Mustapha Nabli est bien rentré dans ses habits de gouverneur de Banque centrale. Avec le sourire entendu de celui à qui le temps a donné raison. |
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