Quand les bruits de couloir ne sont plus audibles, nous nous faisons un
plaisir de vous les faire parvenir. Musique.
D'étranges attitudes politiques agitent la diplomatie israélo-européenne
depuis les soulèvements populaires dans les pays arabes. Au même moment où les
peuples tunisien et égyptien envahissaient la rue pour exiger la chute des
régimes corrompus et iniques qui les gouvernaient, 26 leaders européens
signaient en ce mois de décembre 2010, un appel demandant "le boycott et
des sanctions contre l'Etat d'Israël pour la poursuite de sa colonisation des
territoires palestiniens", sans qu'ils soient entendus par leurs Etats.
Depuis, le gouvernement israélien multiplie les pressions diplomatiques pour
convaincre l'Autorité palestinienne à reprendre le "dialogue" pour,
semble-t-il, hâter la création de l'Etat palestinien. Etrange et
incompréhensible discours de l'Etat hébreu qui déclare vouloir la paix et
l'indépendance en Palestine alors qu'il intensifie son occupation par la
violence et l'isolement de Ghaza. L'Union européenne, elle, après un moment
d'hésitation, a fini par tenir, le 22 février, sa traditionnelle réunion du
Conseil d'association UE- Israël. Les Européens ont répété, comme depuis 1967,
leurs critiques et condamnations de la politique coloniale d'Israël, sans que
ce dernier ne s'en émeuve. Ce 22 février, Avigdor Lieberman, ministre des
Affaires étrangères israélien a, sans aucune gêne, répondu aux Européens par
son "impatience" à la reprise des négociations avec l'Autorité
palestinienne. Cet empressement du gouvernement israélien à faire revenir
l'Autorité palestinienne à la table des négociations vise, en réalité, deux
objectifs: torpiller le travail que mène depuis quelques mois l'Autorité
palestinienne pour la proclamation de son indépendance, donc d'un Etat dans ses
frontières légitimes de 1967, et faire porter la responsabilité de l'échec des
négociations, voulues et menées sous les auspices de la communauté
internationale, aux Palestiniens. Il faut que M. Avigdor Lieberman nous
explique son soudain empressement à dialoguer avec les Palestiniens et sur quoi
porteront ces négociations, lui qui revendique tout Jérusalem et ce qui reste
des terres de Cisjordanie. Lui qui nie le droit de la Palestine d'être et
d'exister. Lui qui a demandé officiellement, au mois de janvier, l'envoi et
l'installation d'une force armée européenne aux frontières de Ghaza pour
étouffer encore plus les Ghazaouis dans leur prison. Demande rejetée,
immédiatement, par la représentante aux Affaires étrangères de l'UE, Madame
Catherine Ashton, en visite dans la région. Une vraie bataille diplomatique
entre Israéliens et Palestiniens se joue sur la scène internationale et à
laquelle les bouleversements politiques en Méditerranée et dans le monde arabe
ne laissent pas beaucoup de visibilité dans les médias internationaux. Malgré
cela, Israël ne cache pas son inquiétude devant la tournure des événements dans
les pays arabes, en particulier ses voisins immédiats, tels l'Egypte, la Syrie
et la Jordanie. Toute la question est de savoir si Mahmoud Abbas ne cédera pas
à la pression diplomatique israélienne et mènera sa campagne jusqu'à la fin de
l'été pour plaider devant l'Assemblée générale de l'ONU, en septembre, la
reconnaissance officielle de l'Etat palestinien. Parce que Israël n'est pas
seul à exercer des pressions pour faire revenir les Palestiniens à la table des
négociations. La France, le Royaume-Uni et l'Allemagne se sont prononcés, en ce
même mois de février, pour la reprise des négociations et ont rédigé un projet
de résolution qui mentionne un tracé des frontières (provisoire) et des étapes
pour la proclamation d'un Etat palestinien. Du coup, les USA ont opposé un net
refus et reporté, sine-die, une réunion du "quartette" (USA, UE, ONU
et Russie) chargé de superviser les négociations. Et c'est ce moment de
confusion dans les arcanes diplomatiques que choisit le chef de l'Etat français,
Nicolas Sarkozy, pour laisser entendre le soutien de la France à l'édification
d'un Etat palestinien indépendant alors qu'il recevait, jeudi dernier, le chef
palestinien Mahmoud Abbas. Une information transformée en exclusivité
diplomatique par les médias français. Les Anglais, eux, n'ont pas fait tant de
bruit en assurant, en ces moments de révolte arabe, Mahmoud Abbas du même
soutien, ou des Américains qui sont à l'origine du "processus de
paix". L'interrogation qui nous taraude n'est pas tellement d'apprendre le
soutien sincère ou calculé des Européens, ou des Américains à la cause
palestinienne, mais plutôt celle de savoir pourquoi Israël n'a jamais pris
autant de terres aux Palestiniens, notamment dans Jérusalem-Est, que depuis
qu'ils négocient la paix ? Après tant de promesses trahies, Mahmoud Abbas a
toutes les raisons de ne pas céder aux appels "au dialogue" et de
s'en tenir au seul objectif qu'il s'est fixé: la proclamation en septembre
prochain d'un Etat palestinien indépendant, dans ses frontières de 1967, avec
Jérusalem-Est comme capitale. Cela changera-t-il la situation des Palestiniens
? Cela aidera-t-il à la paix dans la région ? Difficile de le croire. En
revanche, en persévérant dans leur combat pour la proclamation solennelle et
unilatérale de l'Etat palestinien, les Palestiniens marqueront définitivement
par la force du droit international l'irréversibilité de leur indépendance et
l'existence de leur nation séculaire. C'est-à-dire tout ce que ne veut pas
reconnaître Israël. Le moment est historique et propice à la réalisation du
droit des Palestiniens d'exister: le monde arabe vit, lui aussi, sa révolution
pour la liberté.