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De
toutes les réformes politiques à venir dont Bouteflika a fait l'annonce dans
son discours à la nation vendredi dernier, celle à laquelle il tient le plus
consistera en la révision de la Constitution. Il fera, bien entendu, comme il
l'a promis, des amendements à la loi électorale et sur les partis, aux codes de
wilaya et de l'information.
Mais là n'est pas l'essentiel de sa préoccupation. Ces retouches ne seront consenties par lui que pour masquer et faire passer une révision constitutionnelle à travers laquelle sera confirmé sans ambiguïté le caractère présidentiel du système et instauré une nouvelle modalité de transmission du pouvoir en cas de succession anticipée. Tout le reste qui sera octroyé en guise de réformes n'aura pour valeur que de créer l'illusion qu'un changement en profondeur du système politique a été initié. En quoi va consister cette révision constitutionnelle que Bouteflika a décidé d'entreprendre ? En premier lieu, à lui octroyer la garantie d'organiser dans tous les cas de figure sa succession. D'être ainsi en position de désigner en toute circonstance la personnalité à qui incombera cette succession. Le renforcement du système présidentiel sera déterminant sur le rôle que Bouteflika jouera dans le cas où lors de son troisième mandat, il ne s'estimera plus en condition d'en briguer un quatrième. Mais la grande nouveauté de la révision constitutionnelle annoncée est dans l'intention prêtée à Bouteflika de créer une vice-présidence de la République, dont le titulaire sera nommé par le chef de l'Etat en exercice. Un vice-président qui sera en charge de la succession si celle-ci devait être anticipée. L'innovation a été évoquée à maintes reprises mais peu prise au sérieux par l'opinion publique et la majorité des acteurs politiques, à la considération que Bouteflika n'est pas du genre à supporter et à accepter le principe d'un «dauphin». Il n'était surtout pas question à ces moments-là de l'hypothèse d'une succession anticipée. Or celle-ci, de toute évidence, n'est plus à écarter. Le secret n'en est plus un : le président Bouteflika a des ennuis de santé qui pourraient le contraindre à abréger son troisième mandat. Lui, comme les autres cercles du pouvoir, ont intérêt dans ce cas de figure à ce que la succession se passe sans débat et dans la continuité pour le reste du mandat à accomplir. Pour Bouteflika, c'est l'assurance qui prémunirait ainsi ses proches et fidèles de l'éventualité de «règlements de compte», comme cela fut le cas dans le pays à l'occasion de tous les changements de pouvoir. Voilà à quoi vise le fondement du changement annoncé par Bouteflika. Il n'y aura rien d'autre qu'un dispositif constitutionnel dont la raison première est de conforter la pérennité du système et d'offrir aux proches et fidèles de Bouteflika de ne pas se voir brutalement évincés des cercles du pouvoir dans le cas d'une succession anticipée. La démocratie, l'Etat de droit, la liberté d'expression se verront dans la foulée accorder quelques concessions. Mais pas au point de devenir fondamentaux du mode de gouvernance du pouvoir. La réalisation de ces principes ne peut se concrétiser que par l'éveil des consciences populaires à la réalité que le système en place n'est nullement décidé à octroyer des réformes politiques le contraignant à se faire «hara-kiri» en démantelant les assises sur lesquelles il a établi sa domination sur le pouvoir dans le pays. |
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