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Tlemcen, capitale de la culture islamique: Les coulisses d'un événement

par Ghania Oukazi

Le ministère de la Culture a exigé de certains artistes de signer un contrat lui attribuant l'ensemble des droits d'édition et de diffusion des coffrets de musique qu'il leur a demandé d'enregistrer.

 La manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique» semble avoir poussé à déterrer la hache de guerre entre des artistes de renom et le ministère de la Culture. Hache brandie notamment depuis que Khalida Toumi en a pris les commandes. Déjà, au lancement de la manifestation en question, les choses n'ont pas été annoncées clairement. Beaucoup d'associations, de groupes musicaux, d'artistes, de confréries ont été exclus de la participation sans en connaître les raisons. «La sélection s'est faite par le ministère de la Culture sur la base de critères qu'il est le seul à connaître», nous disait un artiste lors de l'ouverture «nationale» de la manifestation qui a eu lieu à Tlemcen en même temps que la célébration d'El Mawlid Ennabaoui, en février dernier. Le chanteur Anouar, entre autres, avait dénoncé cette exclusion publiquement dans la presse.

 Et comme beaucoup de journaux l'ont rapporté, la ministre n'avait pas trouvé de gêne à procéder à cette ouverture en l'absence de l'ensemble des représentants de l'exécutif de la wilaya de Tlemcen avec à leur tête le wali. Ce qui est curieux c'est qu'aucune autorité n'a trouvé cela étrange, ni le Premier ministre et pas même le ministre de l'Intérieur qui en est la tutelle. Pourtant, le wali est constitutionnellement le premier magistrat de la wilaya. En principe, rien ne peut se faire sans sa présence pour ne pas dire son consentement au préalable. A moins que le feu vert a été donné à la ministre pour l'ignorer. Ni le ministère encore moins le wali n'ont voulu en parler publiquement.

 Il se pourrait que l'ouverture «internationale» de l'événement par le président de la République les oblige à un peu plus de retenue. Même les artistes veulent être discrets et ne pas ébruiter leur terrible mésentente avec le ministère.

L'on rappelle que Bouteflika se déplacera en principe samedi prochain pour inaugurer la manifestation en présence de nombreux invités étrangers. La cérémonie coïncidera avec «Youm El Ilm» (la journée du savoir) qui a lieu le 16 avril de chaque année.

Les déboires des enfants de l'école de Tlemcen

Ceci étant, le torchon continue de brûler entre le ministère et des artistes comme Nouri Koufi. L'on apprend du milieu des artistes que le ministère devait faire enregistrer des coffrets d'artistes connus notamment de la région, ceux qui sont issus de l'école de Tlemcen. Pour ce faire, une convention a été signée «il y a une année» entre ses services et une boîte privée. Les coffrets devaient être prêts pour le 16 avril. L'on nous dit que pour ce qui est du «cas» Nouri Koufi, les enregistrements n'ont commencé que le 11 mars dernier. «L'artiste doit enregistrer 4 CD de 55 minutes chacun, ce qui donnerait à peu près 250 mn de chants en 20 jours, ça relève de l'impossible !», nous dit un proche de l'orchestre Koufi.

L'on nous dit que l'orchestre a accepté cependant de relever le défi. Les enregistrements ont en effet commencé dans les studios de Hamidou. L'artiste et ses accompagnateurs ont été logés dans un hôtel non loin de ces studios «pour ne pas perdre de temps.» Un accord «verbal» a été passé entre l'artiste et le ministère de la Culture pour en sortir 1000 coffrets «qui devaient être offerts aux invités de Tlemcen le jour de l'ouverture par le président de la République». Les séances d'enregistrement se faisaient «jour et nuit ». L'exigence du ministère de bénéficier de tous les droits a fait, cependant, tout basculé. «Ils ont demandé à Koufi de signer un contrat réservant l'ensemble des droits d'édition et de diffusion de ce coffret», nous disent des milieux bien au fait de ce qu'ils qualifient de «scandale commercial». Nouri Koufi a refusé, nous affirme-t-on, de signer un tel contrat « parce que les coffrets représentent toute sa vie d'artiste». Ce qui lui a valu «de suite, la fermeture des studios après un travail acharné».

«Le président apprécie le chant de Koufi»

Nos sources soulignent que «l'artiste et son orchestre sont aujourd'hui otages à l'hôtel parce que le ministère refuse de payer les frais de leur hébergement qui sont de l'ordre de 25 millions». On ajoute qu' «il refuse aussi de payer l'orchestre pour l'avoir fait déplacer et retenu pendant de longues journées et de longues nuits».

 L'artiste n'est pas à son premier déboire. Il n'a d'abord pas été invité à l'ouverture «nationale» par Khalida Toumi. Les mauvaises langues disent que «c'est parce qu'il est proche du wali auquel elle n'adresse même pas la parole». Koufi et Anouar, deux enfants de Tlemcen, ont été ainsi privés de chanter leur région. Koufi devait se produire les 6, 7, 8 et 9 avril derniers à Tlemcen et dans d'autres villes de l'Ouest du pays, mais il lui a été refusé de le faire avec l'orchestre régional de Tlemcen «pourtant créé pour l'événement». Ces soirées ont été tout simplement annulées. Il a une chance «in extremis» d'être retenu pour chanter le 16 avril prochain, au moment du déjeuner que Tlemcen offrira au président de la République. L'on nous dit qu'il a failli en être exclu sous prétexte qu'«il participe à l'épopée de Tlemcen dont la représentation se fera le soir». L'on note, au passage, que les quelques minutes de chants de Koufi dans cette épopée sont en play-back.

L'on croit savoir que le président de la République apprécie bien la voix et le rythme de Koufi. «C'est d'ailleurs ça qui a prévalu pour qu'il chante le 16 avril», nous disent des sources proches du ministère de la Culture.