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Affaire des 11,5 quintaux de kif: Dix condamnations à perpétuité à Oran

par Houari Saaïdia

Grosse affaire de trafic de kif, hier, au lever du rideau de la 2e session ordinaire 2011 du tribunal criminel d'Oran. Un réseau international de trafic de drogue était à la barre.

Il s'agit en fait de l'une des ramifications du groupe dont le modus operandi a été mis à nu suite à l'avortement d'une opération d'exportation vers Marseille via le port d'Alger de 5 tonnes de résine de cannabis fourrées dans 3 containers. Comptant sur une éventuelle focalisation des services de sécurité sur l'événement politique d'alors, le scrutin présidentiel du 9 avril 2009, les narcotrafiquants voulaient expédier 50 quintaux de kif vers l'étranger en utilisant des containers spécifiques au transport de fruits et légumes et dotés de réfrigérateurs et d'espaces commodes pour dissimuler une aussi importante quantité.

Le pot aux roses a été découvert au port sec de Rouiba. Cependant, les investigations «a posteriori» laissent penser que soit ces barons envisageaient un coup - un même et seul - plus important en termes de quantité, en ce sens que les 5 tonnes n'auraient été qu'une portion de la cargaison globale à exporter, soit ils comptaient procéder par coups itératifs en fonction des circonstances, et ce, en utilisant le port sec de Rouiba comme point de transit. Leur plan volé en éclats, les trafiquants ont fait machine arrière en rappelant les chargements déjà mis en route vers Rouiba et en stoppant les livraisons à la frontière. Ainsi, et pour atténuer le choc financier subi après la déroute des 3 conteneurs démasqués, ils ont commencé à refouler la marchandise acheminée par vagues vers la source d'approvisionnement, dans le but de sa réexpédition via un autre circuit et dans des conditions moins défavorables.

 Les 11,5 quintaux, qui représentent le corps du délit relatif à l'affaire jugée hier par le tribunal criminel, font partie justement des quantités réacheminées vers la bande frontalière en passant par Oran. Cette quantité a été saisie, en août 2009, dans le domicile de Ch.M. (l'un des barons de ce réseau), à la Cité des Enseignants, dans le secteur urbain Es-Seddikia (Oran-Est). La saisie a été opérée sur la base des aveux d'un autre baron du groupe, S.Y., connu sous le sobriquet de Tchato, arrêté le 2 août 2009 à Oran alors qu'il circulait sous une fausse identité. Quelques jours plus tard, Ch.M. tombera dans les filets à son tour.

 D'aveu en aveu, ce puissant et redoutable réseau, qui a donné du fil à retordre aux services antistupéfiants, s'écroulera tel un château de cartes. Treize mis en cause seront identifiés, dont six appréhendés. Reconstitution des faits propres à cette affaire. Réacheminés de Rouiba, les 1.150 kilos de kif ont transité par un garage à Misserghine, contre une commission de 570 millions de centimes pour le dépositaire (la valeur marchande de la cargaison est estimée à près de 6,9 milliards de centimes, à raison de 6 millions le kilo), puis par un local à Hassi Mefsoukh, avant d'atterrir dans un bâtiment situé à un jet de pierre du tribunal d'Es-Seddikia. De là, elle devait voyager vers Maghnia, soit l'inverse de l'itinéraire traditionnel. C'est S.Y., qui gagnait sa vie dans la plomberie avant de plonger dans le milieu du trafic de drogue, qui acheminait la marchandise dans un fourgon. Son «copilote» habituel, A.M., a été rattrapé par cette affaire alors qu'il purgeait sa peine dans la prison de Remchi pour une autre affaire de 3 quintaux.

A la question de la présidente: «Quel est ton bénéfice dans cette affaire de 11,5 quintaux, toi qui as mis à disposition ta maison comme entrepôt ?», Ch.M. répondra: «J'ai convenu avec le propriétaire de la marchandise de me faire sortir 10 voitures auprès d'un concessionnaire proche à lui.» La juge: «10 voitures !?» L'accusé : «J'ai un registre de commerce d'agence de location de voitures». La représentante du ministère public a requis la perpétuité contre les trois accusés présents à la barre. Réquisitoire confirmé par le tribunal. Les sept accusés en fuite ont été condamnés à la même peine par contumace. Enfin, les trois restants ont été entendus comme témoins à titre de simple information, du fait qu'ils se sont pourvus en cassation au cours de la procédure, diligentée, note-t-on, par le Pôle pénal spécialisé d'Oran.