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Revirement de la situation hier sur le front des combats entre les forces
pro-Kadhafi et les insurgés, alors que la coalition internationale se dirige
vers un soutien plus ferme pour l'opposition libyenne.
Mauvaise nouvelle pour le camp des insurgés hier, avec la perte de plusieurs fiefs dans l'est du pays, notamment les villes pétrolières de Brega et Ras Lanouf. Cette information n'était pas directement vérifiable, mais des journalistes à Ajdabiya, ville située à environ 80 km à l'est de Brega, pouvaient entendre des coups de canon hier en fin d'après-midi venant de ce secteur. La reprise en main de Brega, quelques heures après la ville pétrolière de Ras Lanouf, confirmerait la progression rapide de l'armée gouvernementale vers l'est du pays, fief des insurgés, selon des correspondants de presse. Dès mardi soir, Ajdabiya a commencé à se vider de ses habitants. La plupart des boulevards de la ville étaient déserts en fin d'après-midi et l'hôtel hébergeant la presse internationale a lui aussi commencé à se vider. Les forces loyalistes avaient repris le contrôle du port pétrolier de Ras Lanouf hier matin, provoquant le repli vers l'est du pays de centaines de rebelles paniqués. Ras Lanouf est située à 370 km à l'ouest de Benghazi, le bastion des insurgés dans l'Est, et à une soixantaine de km du port pétrolier de Brega, repris la semaine dernière par les insurgés, avec l'appui des raids internationaux sur les forces de Kadhafi. Nouveaux revers pour l'opposition En l'absence de frappes aériennes depuis 48 heures, les insurgés libyens ont subi de nouveaux revers hier face aux forces de Mouammar Kadhafi qui ont repris le contrôle du site pétrolier de Ras Lanouf, forçant des rebelles paniqués à se replier plus à l'est. Le retour en force des loyalistes a remis en lumière la question controversée de l'armement des insurgés, évoquée par Washington et Paris à l'occasion de la réunion mardi à Londres du «groupe de contact» sur la Libye. La quarantaine de pays sont convenus que le leader Mouammar Kadhafi devait quitter le pouvoir, tout en divergeant sur les moyens de l'y contraindre. Entre-temps, les forces loyalistes, revigorées par l'absence de frappes aériennes occidentales depuis deux jours, ont reconquis dans la matinée Ras Lanouf prise par les insurgés le 27 mars. Pris sous d'intenses tirs de chars et d'artillerie, des centaines d'insurgés paniqués ont dans un premier temps reflué vers la ville de Brega, à une centaine de km plus à l'est. D'autre part, les forces loyales à Mouammar Kadhafi ont mené une autre offensive hier sur la ville de Misrata, au lendemain d'une attaque meurtrière ayant fait 18 morts, selon un porte-parole de la rébellion et un médecin de cette ville à l'est de Tripoli. Misrata laminée «La ville de Misrata a été à nouveau ce matin la cible des forces de Kadhafi qui ont tiré aveuglement des obus de chars et des roquettes sur plusieurs secteurs de la ville», a indiqué ce porte-parole sous couvert de l'anonymat. Selon un médecin de l'hôpital de la ville, «18 personnes ont été tuées mardi» dans l'offensive des loyalistes, dont quatre personnes de la même famille. Mardi, ce médecin a affirmé que les forces loyales au colonel Kadhafi avaient tué au moins 142 personnes et blessé plus de 1.400 autres entre le 18 et le 28 mars, dans leur offensive contre les insurgés à Misrata, troisième plus grande ville de Libye située à 210 km à l'est de Tripoli. Le régime libyen avait indiqué lundi avoir mis fin à son offensive contre les insurgés à Misrata où la «sécurité» a été rétablie, selon le ministère des Affaires étrangères sans préciser clairement si la ville avait été reconquise par les forces loyalistes. «Le régime n'arrête pas de dire qu'il a cessé le feu à Misrata, alors que ses attaques meurtrières deviennent quotidiennes», a indiqué le porte-parole de l'opposition. «Nous appelons la communauté internationale à stopper le massacre», a-t-il ajouté. «Nous sommes reconnaissants à la coalition et en particulier à la France pour leur intervention en Libye. Leur mission est de protéger les civils. Alors qu'ils nous aident». Selon lui, «les Canadiens qui sont chargés de Misrata n'accomplissent pas leur mission. Ils hésitent à bombarder les chars de Kadhafi à l'intérieur de la ville, par crainte de toucher des civils», a-t-il estimé. Il a affirmé que la «situation humanitaire dans la ville se détériore jour après jour», ajoutant que pas moins de 4.000 ressortissants étrangers attendaient toujours leur évacuation au port de Misrata. Difficile cohésion occidentale Après la réunion de Paris, les pays de la coalition restent superbement divisés, même s'ils veulent donner l'image d'une belle cohésion, notamment après la réunion du groupe de contact de Londres, mardi. Car les divergences persistent, alors que l'Otan est officiellement chargée d'une autre mission, la direction des opérations militaires en Libye. Les Occidentaux qui bombardent depuis près de deux semaines des cibles militaires semblent à la peine dans leur recherche d'une cohésion internationale sans équivoque destinée à faire chuter Mouammar Kadhafi. Exil ou non pour le chef d'Etat libyen, au pouvoir depuis plus de 40 ans? Aide militaire ou non aux rebelles de Benghazi ? Partage plus ou moins clair des rôles entre le «pilotage politique» des opérations militaires et la direction de ces dernières par l'Otan... Mardi, la quarantaine de pays réunis à Londres se sont voulus rassurants et unanimes, avec le constat qu'»un bain de sang a été évité», encore salué mardi soir par Barack Obama. Mais sur le fond, plusieurs questions restent en suspens. Fer de lance d'une coalition internationale d'une dizaine de pays, Etats-Unis, France et Royaume-Uni ont parlé d'une même voix pour dire qu'après d'intenses bombardements, «rien n'était acquis» et que la guerre devait «continuer (...) jusqu'à ce que les objectifs de (l'Onu) soient atteints, c'est-à-dire que les populations civiles ne soient plus menacées». Pour autant, la Russie estime qu'aucun pays n'a le droit d'armer les rebelles en Libye, en vertu du mandat approuvé par le Conseil de sécurité de l'Onu, a déclaré hier le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. «Le ministre français des Affaires étrangères a dit que la France était prête à discuter avec ses partenaires de la coalition de la fourniture d'armes à l'opposition libyenne», a déclaré M. Lavrov pendant une conférence de presse à Moscou avec son homologue autrichien, Michael Spindelegger. «Immédiatement après, le secrétaire général de l'Otan, (Anders) Fogh Rasmussen, a déclaré que l'opération en Libye avait été préparée pour protéger la population et non (dans le but) de l'armer - et là-dessus nous sommes totalement d'accord avec le secrétaire général de l'Otan», a-t-il ajouté. Bref, la belle cohésion de la coalition s'oriente vers un leadership américano-franco-britannique pour faire chuter Kadhafi, même en armant l'opposition, avec le risque potentiel d'une durable guerre civile en Libye. |
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