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Le 14e salon d'Alger consacre un marché «émergent» de l'automobile

par Samy Injar

Le Salon international de l'automobile d'Alger a étrenné, pour son retour après deux ans, la nouvelle embellie du marché

de la voiture avec le rebond du second semestre 2010. Les ventes sont repartis à la hausse et les remises du salon ont accentué le mouvement. La grande percée du luxe et l'absence de la voiture électrique situent le marché algérien. Emergent, un brin arriviste et carbonivore.

Le leader du marché automobile en Algérie fait bande à part au Salon de l'auto. Renault Algérie tient toujours un pavillon à l'écart, à lui tout seul, aux Pins maritimes. Son pari commercial pour les pays émergents s'appelle le low coast. Et cela marche. Le Duster, un crossover (SUV) décliné sous la marque Dacia accompagne la remontée de gamme des classes moyennes algériennes, «accrochées il y a quelques années avec la Logan. Le Duster commence à un milion huit cent mille dinars. La foule se presse pour essayer le modèle exposé. Bien trop équipé, lui, pour rester attrayant côté prix. Renault ne commercialise toujours pas sa petite Twingo en Algérie, maintient dans son catalogue la vieille Clio Campus et ne propose pas de concept car électrique en guise de fenêtre sur l'avenir. Rien à dire le leader du marché - 13 800 ventes aux deux mois de l'année 2011 pour les deux marques Renault-Dacia- ne se trompe pas sur son positionnement «pays émergent» en Algérie. Un stand pour le GPL à l'extérieur sur l'esplanade vient rappeller que Renault-Dacia s'adapte aux avantages pays. Le 14e Salon de l'automobile d'Alger est resté deux ans pour revenir cette fois, après le trou d'air de 2010. Mais il n'a pas changé la perception de la voiture et des clients en Algérie, grande série et effet moutonnier. Chez Hyundai, l'archéologique Atos se vend mieux que la i10. Les habitudes sont tenaces. Sauf que le pays s'est un peu plus enrichi depuis deux ans. Et donc Porsche peut y faire son entrée. La marque allemande, distribuée par Sovac a décliné, des modèles entre 9 millions et 19 millions de dinars. Vendus. Les stands de Bavaria (BMW et Minicooper) ou de GMS (Mercedes) ont vendu des modèles de haut gamme «bien plus qu'espéré». Le Q5 de Audi a vu son carnet de commande enfler malgré des délais de livraison de plusieurs mois, de même que le prix de la nouvelle A7 n'a pas bluffé les acquéreurs. Aucun - hormis l'entrée de gamme de la mini- ne commence en dessous de 3 millions de dinars. La vente se fait par le haut aussi désormais au salon d'Alger. D'ailleurs même les Chinois ont fait leur saut dans le positionnement avec la marque MG, installée depuis peu en Algérie. Du standard british proche de celui de Jaguar à 3 millions de dinars. Le responsable du stand affirme avoir vendu 44 exemplaires du modèle le plus luxueux, en six cylindres essences, Ronce de Noyer à volonté et ambiance cuir jusqu'au volant et au pommeau de levier de vitesse.

Le leasing à défaut du crédit automobile

Mais comment font les algériens pour acheter autant de voitures, parfois aussi chères, sans crédit bancaire ? Le marché automobile a bien résisté à la suppression du crédit à la consommation par la LFC 2009. 10% de baisse sur le cumul des deux ans. C'est le directeur général de Sovac, l'allemand Dirk Joerke, qui admettait à la fin de l'année dernière qu'une telle mesure sur un marché européen aurait provoqué une chute des vente de l'ordre de 40%. Ce chiffre est d'ailleurs exactement la part de clientèle qui recourait au crédit bancaire pour acheter une Peugeot avant l'entrée en vigueur de la mesure. Les banques ont proposé une parade dès le salon d'octobre 2009. Le leasing a fait son chemin. Aujourd'hui de plus en plus de PME recourent à ce financement de la location-vente pour équiper plusieurs collaborateurs de véhicules, habituellement achetés à titre personnel. «En réalité tous ceux qui ont un registre de commerce et présentent un minimum de garanties en chiffres d'affaires, peuvent s'équiper en leasing» explique un agent d'AGB bank. Beaucoup y ont d'autant plus facilement recours qu'il n'y a pas de taux d'intéret dans le leasing. Les professionnels sont donc contents du redémarrage du marché de l'automobile. Et l'affichaient à la clôture du salon d'Alger. Rien n'est arrivé à disloquer leur business. Ni la taxe forfaitaire d'importation de 2008. Ni la suppression du crédit à la consommation d'août 2009, ni la délocalisation des ports d'arrivée vers Djendjen et Mostaganem de 2009, ni la suppression du Credoc de 2009. Rien ?

Tout le monde n'en est pas sorti indemne

«Ce n'est pas comme cela qu'il faut regarder notre filière. En réalité, elle a souffert d'un grand frein dans sa croissance. Elle aurait du être plus forte plus professionnelle et plus proche de devenir un acteur dans son inévitable industrialisation, explique un responsable commercial dans chez une marque asiatique. Des concessionnaires, comme IVAL ou GMC, ne sont pas sortis indemmes du tunnel de 2009-2010. Et cela se ressent à leur stand, autant que dans la ville à leur show rooms dégarnis. «Finalement, ce sont les réseaux de distributions les mieux adossés au constructeur qui ont réussi à s'en sortir le mieux en négociant à la baisse les marges et en accédant à la chaine de production dans la bonne tranche de client» explique le responsable commercial. «Prenez Peugeot qui est distribué directement et Citroën qui passe par un concessionnaires. Citroën a peut-être des modèles plus innovants, mais accuse un écart de vente plus grand en Algérie qu'en France avec Peugeot». Les importations de voitures vont être plus fortes en 2011 qu'en 2010. Les professionnels de la filière redoutent une autre LFC pour «tuer le marché». En attendant la venue d'un constructeur un jour en Algérie.