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Confrontés à une révolte populaire pour l'instant
circonscrite à la ville de Deraa et sa région, dans le sud du pays, le régime
baasiste syrien et son Président, Bachar El Assad, ont tenté dans un premier
temps la méthode répressive brutale pour en venir à bout et l'empêcher de se
propager au reste du pays et surtout à Damas, la capitale. Peine perdue car,
malgré les dizaines de morts dénombrés dans Deraa du fait des affrontements
entre manifestants et forces de l'ordre, la révolte s'est poursuivie et
amplifiée. Le régime et son Président ont alors opéré une volte-face consistant
à déclarer «légitimes» les demandes du peuple syrien et fait annoncer une
batterie de mesures à caractère aussi bien social que politique. Ils ont ainsi
fait dire qu'ils consentent une augmentation immédiate de 30% des salaires des
fonctionnaires et que des mécanismes efficaces vont être mis en place pour
lutter contre la corruption.
Mais les signaux forts de sa volonté de changement que le régime de Bachar El Assad a émis à l'intention des Syriens, ce sont les annonces d'une proche annulation de la loi d'urgence par laquelle le pays est régenté depuis 1963 et de la libération de tous les détenus politiques. Mais est-ce que ces mesures et annonces seront suffisantes pour éteindre le feu de la révolte à Deraa et empêcher sa propagation au reste de la Syrie ? Via une page Facebook intitulée «La révolution syrienne contre El Assad 2011», l'appel a été fait à de nouvelles manifestations dans le pays. L'objectif évident de ceux qui ont fait cet appel n'est pas de contraindre le régime à reculer encore plus en lui arrachant d'autres concessions. Mais de créer une situation qui provoquerait sa chute pure et simple. Sous la pression de la révolte populaire et de celles de certaines puissances occidentales, la marge de manœuvre du pouvoir syrien en vue d'apporter une solution pacifique à la crise apparaît très réduite au vu du discrédit et de la haine qu'il a accumulés contre lui pendant des décennies. En Syrie comme ailleurs dans le monde arabe où les peuples sont passés à l'acte pour obtenir le changement et la démocratie, le passif du régime est trop accablant, sanglant également pour que puisse être envisagé qu'il parvienne à s'en dédouaner par quelques mesures et réformes. D'autant que dans le cas syrien, le pouvoir ne peut même plus espérer dissuader le peuple d'exiger le changement radical de régime en jouant sur la fibre du nationalisme et de l'arabisme, auxquels les Syriens ont été effectivement plus sensibles que d'autres dans le monde arabe. Il y a toutefois que dans ce cas précis, et même si les Syriens ont des raisons légitimes de se révolter contre le régime d'El Assad, il se profile que le mouvement de révolte de Deraa n'est pas né spontanément. Les Frères musulmans syriens n'y sont pas étrangers, eux-mêmes poussés et encouragés à la confrontation tant par le contexte d'ébullition qui prévaut dans le monde arabe, que par les puissances arabes et autres qui ont classé le régime syrien dans «l'axe du mal» pour ses prises de position dans la région et l'alliance qu'il a passée avec l'Iran. Il est par conséquent à craindre que si la contestation en Syrie ne s'arrête pas malgré les concessions consenties par le pouvoir, celui-ci, se sentant acculé, engagera alors un déchaînement répressif. Il existe dans le pays tous les ingrédients d'une guerre civile, faisant craindre à la répétition du scénario libyen, l'occasion rêvée pour une intervention qui arrangerait beaucoup de parties étrangères dont le régime de Damas est la bête noire. |
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