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Conférence africaine des ministres de l'Industrie: Un autre rapport de force

par Ghania Oukazi

«Il faut modifier le rapport de force et dialoguer avec les puissances qui ont de l'argent pour pouvoir mettre en œuvre le plan d'action opérationnel que les ministres vont adopter à Alger.»

C'est l'une des déclarations que le directeur central du ministère de l'Industrie et de la Promotion de l'investissement (MIPI) a fait hier, au cours d'une conférence de presse qu'il a animée en prévision de ce rendez-vous africain parrainé par le président de la République, qui se tiendra les 30 et 31 mars prochains, au palais des Nations de Club des pins. Alger a déjà, selon lui, la confirmation de 35 ministres et chefs de délégation pour une conférence qui attend 300 invités venus d'horizons divers, des représentants de plusieurs instances de l'Union africaine (UA), des experts de l'ONUDI, du secrétariat du Nepad, des banques européennes et d'autres bailleurs de fonds internationaux. Le 29 mars, les invités auront droit à une virée touristique algéroise. «C'est du lobbying pour le domaine touristique,» dit le cadre du MIPI.     Le palais des Nations abritera en même temps une exposition photos, des écrits et des films sur l'industrie algérienne, en plus d'un chapiteau où exposeront les entreprises notamment celles privées de l'agroalimentaire.

Décidée en 2008, en Afrique du Sud, la conférence d'Alger est comme celles qui l'ont précédée, prévue par les organes statutaires de l'UA, pour se tenir tous les deux ans, chaque fois dans un pays. Pour sa préparation, le ministère a dû s'appuyer sur l'aide de «deux partenaires essentiels» comme le précise son directeur central. Il s'agit de la commission de l'UA dont le siège est à Addis Abeba, représentée par la commissaire chargée du Commerce et de l'Industrie, et de l'ONUDI, l'organe onusien chargé du Développement industriel. Les conférenciers plancheront sur les méthodes et les moyens d'amélioration de la compétitivité des industries africaines par des avantages comparatifs manufacturiers. C'est tout un programme pour un secteur que le continent -l'Algérie comprise- n'a jamais su développer. Le cadre du ministère affirme même que «le secteur de l'Industrie a perdu 5% en 15 ans, si ce taux arrive à 2 (?), l'industrie algérienne disparaîtra.» Pour ne pas atteindre le fond, et à en croire le conférencier, l'Algérie devra favoriser la création d'entreprises «essentiellement privées.» Il fait remarquer qu'elle ne fait plus d'appel pour la privatisation directe mais opte pour la prise de participation dans le secteur public. «Il y aura des exceptions comme le ciment, il est difficile de faire adhérer le privé dans cette industrie parce qu'elle est très coûteuse.» Il nuance ses propos en estimant que «ce n'est pas impossible mais ce n'est pas pour tout de suite.» Meksen fait savoir qu'il existe un programme de développement du secteur public du ciment «pour le préparer à cela.» A propos de la promotion des investissements, il ne s'empêchera pas de penser à haute voix pour lâcher qu'«empêcher quelqu'un de travailler, d'investir, de réussir est une caractéristique algérienne.»

«Il faut inverser le rapport de force»

Après les fiascos enregistrés en matière de gestion, les Africains ont donc décidé de réfléchir pour ne plus vendre leurs matières premières qu'une fois transformées sur leurs territoires et avec une main-d'œuvre locale. La problématique que les invités d'Alger devront tenter de résoudre, lors de la conférence, n'est pas simple. Pourtant, le directeur central du ministère de Benmeradi semble y croire, même si le ton monocorde et le calme olympien avec lesquels il s'exprime permettent d'en douter fortement. Il fait savoir ainsi que la CAMI devra convaincre les pays africains «de préparer des plans d'action et des stratégies pour transformer les matières premières à travers des processus industriels avec la garantie d'une valeur ajoutée.» Elle procédera, dit-il, à la mise en place de comités «pour aller vers un ordre opérationnel.» Il faut dire que pour se faire, le travail lui a été mâché justement par ses deux «partenaires essentiels.» Un comité de pilotage a été ainsi créé et des documents confectionnés pour servir de base de travail aux experts qui viendront à Alger. Rachid Meksen fera savoir que le document élaboré renferme un plan pour le développement industriel accéléré de l'Afrique, accompagné d'une stratégie de mise en œuvre. Pour encore «plus d'opérationnalité», 53 projets ont été identifiés dont une grande partie pour initier l'engineering et des systèmes de gouvernance. La CAMI semble ainsi emboîter le pas au Nepad et à son mécanisme d'évaluation par les pairs mis depuis longtemps en veilleuse. La conférence veut à son tour, tenter une autre approche de management? africaine. «Les pays ont des projets crédibles finançables par des organisations internationales, moyennant des fonds propres à hauteur de 15 à 20% du montant global,» se défend Meksen. L'ONUDI fournira, selon lui, l'expertise nécessaire aux pays porteurs de projets auxquels ont été fixés 14 objectifs sur la base de 66 indicateurs de performance. «Rien n'est laissé au hasard», rassure-t-il tout en soulignant les missions d'évaluation, de suivi, de diagnostic du comité de pilotage aux fins «de mesurer la santé des projets». Il est convaincu que «les ministres vont sortir avec un plan d'action opérationnel, une feuille de route pour chaque pays où chacune des 5 sous régions.» Trois tables rondes techniques se tiendront les 27 et 28 mars sur l'agroalimentaire «l'Afrique en est un importateur net», l'industrie pharmaceutique «en prime la fabrication des génériques avec la participation active de Saïdal» et les ressources minières «une industrie fondamentale pour l'Afrique». Elles permettront de discuter «des possibilités d'échanges et pourquoi pas de nouer des partenariats entre les pays africains,» indique le conférencier. L'Algérie cherche ainsi dit-il à «positionner ses entreprises en vue d'une démarche d'intégration.» Il pense que pour les pays africains, le temps est venu pour «modifier le rapport de force et dialoguer avec les puissances qui ont de l'argent» pour que « rien ne sera comme avant.» Ambition ou prétention, l'Algérie estime par la voix de Meksen que «la sous région Afrique du Nord doit peser, elle est en face de l'Europe, en face de gros bailleurs de fonds.» En attendant et jusqu'à hier, seule la Tunisie de cette partie du continent, a confirmé sa participation à la CAMI. La Libye et l'Egypte ne l'ont pas encore fait. Les temps troubles que ces deux pays vivent les empêchent d'avoir les idées claires. L'Algérie devra se contenter de pays plus au sud, même si elle affirme avoir besoin de ses voisins et les considère comme «des partenaires clefs» pour réussir un tel défi.