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Les
voix dissonantes qui se font entendre avec insistance au sein de la coalition
qui mène les frappes militaires sur la Libye réclament officiellement que le
commandement des opérations soit confié à l'Otan, quand les Américains qui
l'assument depuis le déclenchement de celles-ci décideront de passer la main.
Ces dissonances sont révélatrices de l'hostilité que marquent des Etats européens membres de la coalition à la prétention française de conduire les opérations. Une hostilité que ne justifie pas le seul argument de la meilleure coordination que l'Otan pourrait imprimer à leur direction. En fait, ces Etats ne veulent pas d'un leadership français, comme y prétend Nicolas Sarkozy, au principe que son pays est celui qui a engagé la plus importante contribution militaire aux opérations menées par la coalition. Au-delà des divergences relevant de considérations militaires et le refus qui s'exprime de voir Paris commander l'intervention internationale en Libye, il y a celles, non déclarées mais déterminantes, qui ont pour cause la crainte nourrie par les Etats réfractaires que la France poursuit en Libye des objectifs qui contreviennent à leurs propres intérêts nationaux dans ce pays. C'est le cas patent de l'Italie, dont l'influence et la prépondérance économique qui ont été les siennes en Libye pendant les quarante-deux années de pouvoir de Muammar El-Kadhafi risquent effectivement de pâtir du rôle moteur qu'est en train de jouer la France dans la crise libyenne. C'est l'après-Kadhafi qui fait agir et réagir dès maintenant les principaux membres de la coalition. Vu sous l'angle des intérêts nationaux français en prévision de cette échéance, il est irrécusable que, contrairement à l'épisode tunisien ou égyptien, Sarkozy a habilement positionné la France sur l'affaire libyenne en la faisant apparaître comme l'acteur international le plus déterminé dans le soutien à l'insurrection populaire contre El-Kadhafi et son régime. Au point que c'est cette France que les insurgés libyens applaudissent et se disent redevables de l'intervention internationale qui a desserré d'eux l'étau meurtrier des forces armées fidèles au dictateur. Un prestige et une sympathie que Paris ne manquera pas d'exploiter pour asseoir et conforter sa présence multiforme en Libye après la chute inéluctable de Kadhafi et de son régime. Dans les dissensions qui secouent la coalition et se sont transplantées au sein de l'Union européenne, l'on est loin du débat humanitaire que suscite ailleurs la disproportion de l'usage de la force, tel que pratiqué dans cette intervention en Libye. Le non-dit de la querelle est celui de la rivalité qui anime les principaux Etats de la coalition sur la place et le rôle qu'ils veulent avoir demain dans cette Libye débarrassée de Kadhafi. Place et rôle qui s'estiment à l'aune des richesses naturelles dont ce pays est doté, de sa situation géostratégique en Méditerranée et dans l'espace saharo-sahélien africain et des opportunités d'affaires qu'il offre dans la perspective de sa reconstruction après la fermeture de l'ère kadhafienne. Quoi qu'il en découle de la querelle occidento-occidentale au sujet de l'affaire libyenne, il restera que c'est cet Occident qui a le plus bénéficié financièrement et autre du règne de Kadhafi et bénéficiera tout autant et plus encore après son départ. Ce à quoi cet Occident s'est déjà préparé. Voilà le seul «changement» pour lequel il s'est mobilisé. Mais en le maquillant sous l'habillage de l'engagement en faveur des droits des peuples, de la liberté et de la démocratie. Oubliés les quarante-deux ans de tolérance, voire de complicités multiformes avec l'une des plus répugnantes dictatures ayant sévi dans le monde arabe. |
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