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![]() ![]() ![]() ![]() Cheveux grisonnants, visage fermé, regard éteint, l'accusé avance à pas
comptés vers la barre. Entre deux profonds soupirs, B.A., quinquagénaire,
réplique: «Je n'avais pas l'intention de la tuer. Elle a commencé à me rouer de
coups avec un manche à balai, juste parce que je lui ai demandé avec insistance
qui était mon père. Je me suis défendu, rien d'autre. Je l'ai repoussée et elle
est tombée en se cognant la tête contre le sol. C'était accidentel, je vous le
jure, monsieur le président.» Elle, la victime, c'était sa mère. Elle avait 81
ans. Or, la version de l'accusé ne s'accorde pas avec certains points dans le
rapport médico-légal. «Tu dis que sa tête, côté postérieur du cou, a buté
accidentellement contre le sol après que tu l'aies poussée en voulant
l'écarter. Mais comment expliques-tu la langue pendue, une des côtes de la cage
thoracique brisée, les bleus (ecchymoses) sur plusieurs parties de son corps,
etc.?», lui rétorque vivement le juge. Sans pouvoir réfuter ces arguments,
l'accusé campe sur sa version, celle du «drame conséquent au geste
involontaire, irréfléchi, presque automatique et par pure légitime défense.» La
vieille dame vivait seule, dans un appartement à la Cité Perret, lieu du crime.
Cette nuit du 22 septembre 2010, B.A., qui habitait dans un garage depuis son
divorce et dont il a eu quatre enfants, s'est rendu au domicile de sa mère vers
22 heures. Il était ivre mort. «J'avais pris dix bières avant d'aller chez elle
», explique-t-il au juge. D'entrée, sa mère lui aurait demandé à
brûle-pourpoint de lui restituer ses papiers. Elle avait peur qu'il en fasse
mauvais usage. Entre mère et fils, il n'y avait plus de confiance depuis bien
des années. Pire, ils étaient en perpétuel conflit: des scènes de ménage
épisodiques.
Avec comme sujets de discorde récurrents la pension de 10.000 dinars que la mère touchait mensuellement, et, surtout, le tabou lié au fait que le fils ignorait de qui sa mère l'avait enfanté. Et comme à chaque altercation, ce point d'interrogation lancinant, qui était à l'origine du déchirement entre mère et fils et source d'une souffrance morale pour l'un et l'autre, a refait surface ce soir-là. Tout au long de la procédure, et hier au procès également, l'accusé dit avoir été pris de panique, du fait qu'il était soûl, après avoir constaté que sa mère est restée immobile après sa chute par terre. Suite à cela, il est sorti, ajoute-t-il. Il est resté une vingtaine de minutes avant de revenir. Quelque temps après, son ex-femme et son fils, à qui il avait téléphoné dans l'intervalle pour les informer de l'incident, l'ont rejoint au domicile de la mère. Trop tard, celle-ci avait déjà rendu l'âme. Le petit-fils de la défunte est allé aussitôt alerter les services du commissariat du 17e. B. A. sera arrêté et inculpé d'homicide volontaire d'un ascendant, sa mère. Le représentant du ministère public a requis la peine capitale contre l'auteur du matricide, qui avait passé deux séjours de 45 jours en prison en 1981 pour maltraitance envers sa mère. Bénéficiant des circonstances atténuantes, il a écopé de 20 ans de réclusion. |
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