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LEGALISME ET INACTION

par M. Saâdoune

La situation en Libye est-elle une affaire des Arabes ou celle du Conseil de sécurité ? On peut, comme le font certains responsables arabes - dont l'Algérie -, s'en tenir au principe de non-ingérence avec la conviction, juste, que les droits de l'homme ne sont qu'un paravent pour des visées plus terre à terre.

 Le ministre algérien des Affaires étrangères l'a exprimé clairement en soulignant que «tout le monde sait que la région arabe recèle des richesses et principalement l'énergie, et se caractérise par une colère populaire contre les politiques des grands Etats qui ne nous permettent pas de régler les problèmes dans la région».

 Le constat est très juste mais il pèche par une approche statique qui fait fi de l'accélération des évènements. Cette approche légaliste semble faire de la proximité du problème un motif d'inaction, alors qu'on aurait présumé du contraire. Il est difficile de s'en tenir à une approche purement légaliste qui s'en remettrait au Conseil de sécurité.

 D'abord - et l'expérience l'a montré -, il n'est pas certain que des pays traditionnellement hostiles aux ingérences, comme la Russie ou la Chine, ne finissent pas par se plier aux exigences des Occidentaux. Ils l'ont déjà fait par le passé et ils le feront encore si nécessaire. Ensuite, il est clair qu'une inaction des pays voisins, et plus largement des pays arabes, risque de se traduire par une aggravation de la situation sur le terrain qui deviendra, qu'ils le veuillent ou non, un motif d'intervention.

 Quand les Occidentaux, qui veulent prendre le contrôle direct de la Libye, auront le quitus de l'Onu ou bien trouveront dans le précédent du Kosovo une justification, il ne restera aux Arabes qui ne veulent pas de l'ingérence que les regrets. Ils auront aussi la charge de gérer les redoutables conséquences de l'inévitable «merdier» - le mot n'est pas trop fort - que provoquerait une intervention occidentale directe.

 Les appréhensions exprimées par M. Medelci sont justes, mais elles devraient être une raison d'agir. La Ligue arabe a plus de raisons de se mêler des affaires libyennes que tous les membres du Conseil de sécurité. D'ailleurs, nul ne contesterait la légitimité de la Ligue arabe à agir. Cela ne dépend en réalité que des Etats concernés. Si la Ligue arabe ne fait rien, n'agit pas, elle laisse le champ libre aux interventions.

 Le fait que les forces du colonel Kadhafi paraissent reprendre du terrain sur l'opposition ne doit pas faire illusion. Cette contre-offensive n'est pas porteuse de stabilité et n'éloigne pas le spectre de l'intervention directe. Elle est en train de la rapprocher.

 L'inaction des Etats arabes est dangereuse. Ils ne semblent pas avoir pris la mesure du fait que le régime de Kadhafi est devenu un danger pour la Libye. Ceux qui, légitimement, ne veulent pas d'une intervention occidentale directe désastreuse auraient tort de croire que Kadhafi et son clan oeuvrent à l'éviter.

 En réalité, ils sont les agents de l'intervention, ceux qui, par leurs actions et leurs propos, donnent les justifications à l'Otan qui a déjà déployé son armada. La Libye est une affaire arabe. Elle cesse de l'être si les Arabes et les voisins ne prennent pas conscience que le régime de Kadhafi apporte inexorablement l'intervention occidentale directe.