Les plus hauts responsables politiques occidentaux n'arrivent pas à
s'entendre sur une stratégie commune pour arrêter la violence en Libye et en
finir avec le régime de Kadhafi. Ils se tournent vers le Conseil de sécurité de
l'Onu. Là aussi, la partie n'est pas gagnée. Pendant ce temps, la Libye
s'enfonce dans la guerre civile.
Diplomates et militaires du monde
occidental, au plus haut niveau, se sont retrouvés, jeudi, dans la capitale
européenne pour discuter et proposer aux chefs d'Etat et de gouvernements de
l'UE, réunis vendredi, différents scénarios pour en finir avec le régime libyen
du colonel Kadhafi. Deux jours de débats pour finir dans une impasse, tant les
divergences sur la méthode et les moyens sont importantes. D'abord les
ministres de la Défense des 28 pays de l'Otan se sont contentés, jeudi, de leur
statut, celui d'exécutant des «ordres» du politique. L'Otan est prête à réagir
et entrer en action immédiatement en Libye si les instances politiques
internationales l'ordonnaient. Entendez le Conseil de sécurité de l'Onu. Dans
l'après-midi de cette même journée de jeudi, les ministres des Affaires
étrangères de l'UE, réunis dans l'autre quartier européen de Bruxelles, se sont
séparés sans s'entendre sur une stratégie commune, vis-à-vis de la guerre
civile qui s'amplifie en Libye. Ils se sont rendus, à la fin de leur réunion,
au siège de l'Otan sans pouvoir avancer sur la question : quelle stratégie
utiliser contre le régime de Kadhafi ? Si une intervention militaire directe en
Libye est exclue, celle de l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne n'est
pas encore totalement définie. En clair, les diplomates occidentaux
«désemparés» face au drame du peuple libyen, s'en sont remis aux chefs d'Etat
et de gouvernements de l'UE qui ont pris le relais, vendredi, pour «forcer» un
accord de principe. A ce niveau, l'option d'une intervention militaire au sol
ou une occupation de la Libye a été, définitivement, écartée. Reste celle de la
mise en place d'une zone d'exclusion aérienne et d'une assistance humanitaire.
Même cet «accord à minima» n'est pas tout a fait tranché. La France et le
Royaume-Uni sont arrivés à Bruxelles avec une proposition guerrière : des
frappes aériennes ciblées sur les bases aériennes et d'approvisionnement
logistiques de l'armée libyenne. Outre la difficulté d'une attaque
«chirurgicale» et ce qu'elle peut provoquer comme dommages collatéraux sur les
populations civiles, la proposition franco-britannique n'a pas soulevé
l'enthousiasme des autres partenaires européens. Décision prise dans la
précipitation et unilatéralement par deux Etats de l'UE, elle fait craindre aux
autres Européens des conséquences incertaines sur leurs relations avec les
autres Etats arabes. Le syndrome irakien a encore de l'effet sur les politiques
européennes avec le monde arabe. Que faire alors ? A leur tour, les chefs
d'Etat et de gouvernements se sont tournés vers l'autre instance, celle qui
réunit le monde : l'Onu. Quelle que soit la forme que prendrait une
intervention en Libye, elle doit être recouverte de la «légalité»
internationale. Un mandat du Conseil de sécurité libérerait les Occidentaux
pour mettre à terre, définitivement, le régime de Kadhafi. Mais là aussi, les
choses ne sont pas tranchées. La Russie et la Chine, membres du Conseil de
sécurité ont fait savoir leur refus de cautionner une quelconque initiative
militaire en Libye. Ils utiliseront leur droit de veto. Dans ces conditions,
est-ce à dire que les Occidentaux n'ont pas de solution pour la question
libyenne ? Oui, dans l'immédiat. Les raisons sont multiples et tiennent, en
particulier, sur les calculs des uns et des autres sur l'après Kadhafi.
L'exemple du président français, Nicolas Sarkozy, qui s'est empressé de
reconnaître le Conseil national de transition libyen (CNT), comme unique
représentant du peuple libyen est frappant. Au-delà de la manœuvre politique
destinée à «laver» la diplomatie française de ses fiascos depuis le début du
printemps arabe, l'acte de Sarkozy illustre cette course pour se replacer,
après la chute de Kadhafi, dans la région méditerranéenne. En revanche, la
Belgique qui a reçu la même délégation du CNT libyen, a évité la précipitation.
Elle a assuré le CNT de sa solidarité et de son soutien, sans pour autant le
reconnaître comme «seul» représentant des Libyens. «Nous reconnaissons les
Etats» a précisé le Premier ministre belge (en affaires courantes). Les seules
décisions arrêtées à Bruxelles ont concerné l'extension de l'interdiction de
voyage en Europe à 2 autres membres du clan Kadhafi, les portant à 28 personnes
du sérail et le gel des avoirs financiers, y compris personnels, du colonel
libyen et sa famille. Les rencontres de l'Otan et de l'UE, jeudi et vendredi à
Bruxelles, ont mis fin à la thèse qui laissait entendre, dès le début de la
guerre civile en Libye, qu'une intervention militaire directe en Libye se
mettait en place. Quant aux pays de la Ligue arabe, consultés pour la circonstance,
ils n'ont opposé aucune objection aux multiples éventualités que les
Occidentaux ont exposées pour terminer avec le colonel Kadhafi. Les pays de la
Ligue arabe, comme ceux du Conseil de coopération du Golfe, assistent à la fin
du régime libyen, sans aucune initiative. Pour peser, il aurait fallu qu'ils
soient acteurs de la scène internationale. Pour l'heure, ils ne sont pas sortis
de leur statut de sujet.