Le nouveau Premier ministre tunisien, Béji Caïd Essebsi, a annoncé hier
vendredi, que la priorité de son gouvernement sera de rétablir la sécurité pour
relancer l'économie, actuellement «au bord du gouffre». Lors de sa première
intervention devant la presse, au palais présidentiel de Carthage, M. Caïd
Essebsi a accusé le président déchu Zine El Abidine Ben Ali, en fuite en Arabie
Saoudite, de «haute trahison», un crime passible de la peine de mort. «Notre
priorité sera de rétablir l'autorité de l'Etat, tombée à un niveau
insupportable, ce qui passe par le rétablissement de la sécurité pour tous les
citoyens, les régions et les institutions», a-t-il déclaré. Le nouveau
gouvernement, dont il annoncera la composition «dans deux jours», doit
«relancer le cycle économique, sans aucun retard, car nous sommes au bord du
gouffre», a-t-il poursuivi. «Que tout le monde sache que le rétablissement de
la sécurité ne sera pas une affaire facile», la situation héritée de l'ancien
régime étant «tellement pourrie et désordonnée», a-t-il ajouté, indiquant
«comprendre» les réactions violentes des jeunes après «20 ans de pression et de
privation». Il a implicitement appelé à la fin des sit-in et à l'arrêt des
grèves, avertissant qu'»en l'absence d'un retour à la normale, le pays ira à la
catastrophe». Le taux de croissance en Tunisie, en moyenne 5% par an ces
dernières années, «s'approche du zéro», a-t-il déploré, affirmant compter sur
la coopération internationale, «laquelle ne sera pas possible sans sécurité».
Il a mis l'accent sur la nécessité de favoriser une reprise de l'activité
touristique pour sauver la prochaine saison dans un secteur qui assure près de
7% du PIB et emploie jusqu'à 400.000 personnes, selon des estimations
officielles. En outre, a-t-il ajouté, le problème des diplômés en chômage, à
l'origine de la révolte ayant conduit à la chute de Ben Ali, s'aggrave par
l'arrivée, chaque année sur le marché de l'emploi, «de 80.000 nouveaux
diplômés», qui s'ajoutent aux 150.000 jeunes universitaires sans travail. Le
nouveau Premier ministre s'est également engagé à «rompre définitivement avec
le passé mais avec responsabilité et sans être injuste à l'égard de quiconque»,
alors qu'une procédure judiciaire est en cours pour la dissolution du parti de
Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), déjà suspendu par
le gouvernement intérimaire. Durant les deux dernières décennies du règne de
Ben Ali, «ce fut une bande de corrompus qui ont sucé le sang du peuple, avalé
son argent et ses acquis», a-t-il dénoncé. «Je n'ai aucun doute que l'ancien
président s'est rendu coupable de haute trahison pour avoir renoncé à assumer
sa responsabilité d'assurer la sécurité et la stabilité» et pour «avoir quitté»
le pays alors qu'il était «le commandant en chef des forces armées», a déclaré
M. Caïd Essebsi. La haute trahison est passible de la peine de mort, a-t-il
lui-même insisté. La feuille de route, annoncée la veille par le président par
intérim Foued Mebazaa et prévoyant l'élection le 24 juillet, d'une Assemblée
nationale constituante (CNA), «est un premier pas sur la voie de la
démocratie», a assuré M. Caïd Essebsi. Il a demandé aux Tunisiens d'accorder
«le préjugé favorable» à son futur gouvernement qui, a-t-il dit, va s'atteler à
faire en sorte que «le peuple reprenne confiance en l'Etat et les jeunes en
l'avenir».