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Les
bouleversements dont le monde arabe est le théâtre ont pour acteurs des foules
socialement et politiquement hétérogènes, entrées en révolte pour se libérer
des régimes dictatoriaux et corrompus qui les ont trop longtemps asservis.
Elles sont descendues dans la rue avec la volonté d'en finir avec le servage et
de devenir des citoyens libres.
Il serait néanmoins hasardeux de se prononcer sur la nature des régimes auxquels leur révolte va permettre de s'instaurer en lieu et place de ceux qu'elle a déchus. En Tunisie et en Egypte, la transition à l'œuvre incite à la réserve sur le pronostic. Car ceux qui la conduisent n'ont pas émergé du mouvement populaire qui a provoqué la chute de Ben Ali et de Moubarak. Et bien qu'ils se soient engagés à concrétiser les aspirations démocratiques et libertaires de la rue, il n'est pas exclu qu'ils nourrissent un autre projet que celui porté par les revendications populaires. A Tunis et au Caire, la chute des dictateurs s'est accompagnée de manipulations qui ont abouti à confier le processus du changement à des personnalités aux conceptions équivoques en la matière. La rue n'est pas dupe de la sincérité des convictions démocratiques et libertaires des nouveaux et transitoires responsables à qui a échu la mission d'opérer le changement auquel elle aspire. Cela justifie qu'elle se montre inquiète et vigilante. Il n'y a pas que la gestion équivoque de la transition à inciter à la prudence du pronostic sur la nature des régimes qui vont s'instaurer dans le monde arabe. Il faut aussi tenir compte du fait que d'autres forces et parties sont à l'oeuvre pour empêcher que les révolutions des peuples arabes ne débouchent sur l'instauration de systèmes véritablement et pleinement démocratiques. Au premier chef, bien sûr, il y a les islamistes dont le projet politique exclut les concepts de démocratie et de liberté. En Tunisie et en Egypte, les islamistes font mine pour l'heure de coller à la rue et évitent de parler d'autre chose que de l'instauration d'un système respectueux des volontés exprimées par les foules en révolte. Ils ne sont pas moins déterminés à faire aboutir leur projet, dont les fondamentaux sont pires que ceux des régimes déchus. Mais il y a aussi l'Amérique et l'Occident que l'avènement de la démocratie dans le monde arabe n'enthousiasme pas outre mesure, malgré leurs déclarations de principe faisant croire à leur satisfaction de voir cette région bouleversée par des revendications allant dans ce sens. La démocratie est antinomique du corpus doctrinal pour lequel les islamistes travaillent. Il est clair par conséquent qu'il ne faut pas attendre d'eux qu'ils restent sans agir contre la perspective de l'instauration de cette démocratie. De l'Amérique et de l'Occident, les peuples arabes ne doivent pas attendre qu'ils vont soutenir et accompagner leur combat pour cette démocratie. Des régimes démocratiques et respectueux de la souveraineté populaire ne les arrangent pas dans le monde arabe. Ils feront tout pour que la transition ne mène pas à ce résultat. Ils disposent, hélas, de relais dans cette région qu'ils peuvent instrumentaliser pour qu'il en soit ainsi. C'est pourquoi, à l'euphorie et à la fierté que l'on ressent pour le formidable réveil des peuples arabes, doit succéder la détermination d'empêcher que leurs révolutions soient récupérées et dévoyées aussi bien par les islamistes que par les fourriers des intérêts américains et occidentaux. |
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