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Ce
n'est pas l'opposition politico-partisane qui donne de l'insomnie à Bouteflika.
Emiettée en chapelles agissant en vase clos, sans ancrage populaire
significatif, réfractaire à l'idée d'un rassemblement et à la création d'un
front anti-pouvoir, cette opposition ne représente par elle-même aucun danger,
car incapable de prendre la tête d'une contestation d'envergure contre le
système et le régime. Le sachant, Bouteflika ne tient nullement compte de ses
revendications et de son agitation. Les petites concessions politiques qu'il
vient de lâcher sous la forme de la levée de l'état d'urgence et l'ouverture
des médias publics lourds à l'expression contradictoire peuvent apparaître à d'aucuns
comme lui ayant été arrachées par le mouvement de contestation initié par un
pan de cette opposition ayant fait bloc au sein de la Coordination nationale
pour le changement et la démocratie (CNCD). Il n'en a rien été. Bouteflika n'a
réagi qu'aux pressions étrangères lui ayant présenté ces deux mesures comme
étant le minimum incompressible exigible pour que l'Algérie ne soit pas
considérée comme gouvernée par un Etat dictatorial infréquentable. Que
l'opposition ait inscrit ces deux revendications dans son cahier de doléances a
permis au pouvoir de faire coup double. Primo, atténuer la pression étrangère,
et secundo donner l'illusion d'être à l'écoute de son opposition.
S'il a l'intention qui lui est prêtée de conduire l'Algérie au changement, il ne sollicitera certainement pas cette opposition à la concertation sur la voie et la forme que prendra ce changement. Ce n'est pas l'opinion citoyenne qui se manifestera pour dénoncer l'ostracisme dont il ferait preuve en l'occurrence à l'égard de cette opposition. Surtout pas après le lamentable spectacle dont la Coordination nationale pour le changement et la démocratie est le théâtre au bout de quelques semaines après sa création. Pourtant, la création de cette Coordination avait soulevé l'espoir que l'opposition politique venait enfin de prendre conscience de la nécessité de son rassemblement et qu'elle avait intelligemment choisi le bon moment pour amorcer celui-ci. L'espoir fut éphémère car les partis, syndicats et associations civiles s'étant initialement fédérés en son sein, loin de taire conjoncturellement leurs antagonismes et animosité, s'entre-déchirent allègrement. La cacophonie qui s'est de ce fait élevée des rangs de la CNCD a fait le vide autour d'elle et explique en partie l'échec populaire de ces démonstrations anti-pouvoir. Pour le pouvoir, c'est tout bénéfice que la Coordination s'empêtre dans ses querelles de leadership et que sa contestation en soit réduite à «un chahut» d'une poignée d'activistes totalement déconnectée d'avec l'Algérie profonde. Déconnexion qui fait le jeu de la propagande de ce pouvoir. Lequel ne se prive pas de se gausser de son isolement et de donner à celui-ci des causes aux relents infects. Les Algériens ne se font aucune illusion sur l'opposition politico-partisane. Surtout pas celle de croire qu'elle est en capacité d'impulser un mouvement de contestation anti-pouvoir, du type de ceux qui balayent les régimes en place dans le monde arabe, ou qu'elle est porteuse d'un projet alternatif au système en place dans le pays. C'est pourquoi ils assistent, goguenards et désintéressés, à ses gesticulations. Ils savent pertinemment que le vent de la révolte, s'il doit souffler sur le pays, ce n'est pas en direction de cette opposition qu'il faut regarder pour le voir venir, mais dans celle de cette jeunesse et de cette rue dont la colère n'est pas canalisable par cette opposition. |
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