S'il y avait un calcul à faire en matière de record de concentration de
personnes dans un espace réduit, Mdina J'dida, ce très célèbre quartier
commerçant de la ville d'Oran, aurait sûrement le privilège de figurer dans le
livre des records. Record des visiteurs, mais record aussi de commerçants et de
revendeurs en tous genres. Pendant toute la semaine et encore plus le vendredi
matin et le samedi, on ne peut presque pas poser pied tellement la foule y est
dense et serrée. On y vient de partout pour acheter ou vendre. Les «farracha»,
ces vendeurs ambulants qui étalent leurs marchandises à même le sol sont les
plus nombreux, leurs étals gênent fortement la circulation, on joue au
coude-à-coude et nombreux ceux qui, découragés par une telle marée humaine,
rebroussent chemin dès l'entrée du quartier. Conjoncture oblige, l'Etat ferme
désormais l'œil sur ce commerce informel qui occupe des milliers de gens. Les
policiers ne sont pas loin, ils font leurs rondes en toute quiétude,
n'intervenant que pour régler un conflit, séparer des bagarreurs ou attrapant
un pickpocket en flagrant délit. «Nous voulons seulement travailler, gagner
notre vie et faire vivre nos familles, nous ne voulons pas de problèmes. Il y a
de bons jours, d'autres moins bons?», nous dit l'un d'eux. Par spécialités, sur
ces étals situés juste devant Madrassat El Fallah on y vend du produit
islamique qui va de la Aabaya, Djelaba, Balgha jusqu'aux parfums en passant par
les mixtures dopantes (confiture de sanouj) et d'autres produits beaucoup plus
cher (4.000 dinars) pour une mixture que les vendeurs en louant les vertus
affirment qu'elle est miraculeuses et qu'elle protège contre toutes les
maladies. On avance quand même pour voir les mêmes produits étalés et dont les
marques inconnues révèlent néanmoins leur provenance chinoise. Ainsi, sur des
étals : lunettes à 200 dinars l'unité et dont le danger pour la vue est évident
mais les gens achètent, les montres de fausses marques et autres ceintures. Et
dans les magasins qui leur font face, c'est le royaume du textile, tapisserie,
«paradis de la mariée» avec tous les objets nécessaires à une dot, et elles
sont nombreuses les femmes d'un certain âge qui viennent faire ici les achats
pour organiser un futur mariage, ceci sans oublier les magasins de meubles, les
restaurants, des gargotes plutôt, pour permettre aux nombreux visiteurs de
prendre une pause avant de reprendre la procession. Tahtaha, l'esplanade de la
révolution, qui divise le quartier en deux est également noire de monde. De
l'autre côté, dans les ruelles débouchant sur le boulevard Zabana c'est le
commerce du textile qui est roi. Tous les jeunes qui veulent s'acheter un
survêtement de luxe, une espadrille ou un pantalon doivent passer par cet
endroit. Là aussi les vendeurs ambulants chacun un objet à la main sont là
debout attendant l'acheteur potentiel. Le marchandage est également roi parmi
des badauds qui en même temps achètent et vendent, question de se faire un peu
de marge. Vendeurs d'oiseaux tout près du musée c'est tout un monde et son
vocabulaire. Vendeurs de bicyclettes de motocycles, de fleurs, de livres, de
jeux vidéos, de films en CD? tout un monde en miniature. Trig Essiagha, c'est
l'or que l'on vend et que l'on achète, un vrai marché et une bourse en quelque
sorte qui fixe chaque jour le prix. Les acheteurs sont aussi nombreux que les
vendeurs qui se contentent d'un petit étalage vitré pour exposer leur
marchandise, ou tout simplement leurs bras et leurs mains pour étaler les
bijoux et, bien entendu, l'incontournable chaise pliante. Mdina J'dida est
ainsi faite, tout s'y vend et tout s'achète. Même les murs ont un prix.
Un commerçant ayant un magasin ne loue pas un pan de mur à un ambulant à
pas moins de 30.000 dinars mois. Et même les habitants qui ont des demeures
louent des petits couloirs aux commerçants ambulants pour qu'ils puissent
ranger leur marchandise en fin de journée. Parler des prix de vente des fonds
de commerce relève de l'inimaginable. Les transporteurs, les vendeurs ambulants
de casse-croûte, les diseuses de bonnes aventures, les voleurs à la tire, les
marchands de café et de thé ambulants? une véritable ruche où chacun dans son
rôle vient prendre sa subsistance dans l'un des quartiers les plus mythiques
d'Oran.