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La Banque d'Algérie veut un rééquilibrage public-privé pour les créations d'agences bancaires

par Yazid Taleb

La Banque d'Algérie a donné, à la fin du mois de janvier dernier, son agrément à l'ouverture d'une cinquantaine de nouvelles agences bancaires. Une bonne nouvelle dans un pays encore largement sous bancarisé.

Fin 2010, on estimait que l'Algérie compte environ 1400 agences bancaires soit une agence pour 25 000 habitants contre une pour 12.000 au Maroc et une pour 9.000 en Tunisie. Jusqu'à 2010, les trois quarts des nouvelles agences inaugurées étaient à l'enseigne des banques privées. BNP Paribas et la Société Générale sont les plus en vue dans ce domaine avec pour chacune d'entre elles plus de 70 agences opérationnelles et des objectifs d'une dizaine d'ouvertures par an. Plusieurs banques à capitaux arabes ne sont pas en reste. L'une des plus dynamiques est Algeria Gulf Bank, filiale du holding koweitien KIPCO qui compte porter son réseau à 30 unités d'ici la fin 2011. Même la filiale locale de HSBC, installée depuis seulement 2 ans et plutôt portée vers la clientèle haut de gamme, a inauguré récemment une agence à Oran, quelques mois après celle de Hydra et affiche l'objectif d'une douzaine d'ouvertures à moyen terme.

Lenteurs bureaucratiques

Dans la période la plus récente, beaucoup de banques privées s'étaient plaintes du frein constitué par les lenteurs de la procédure d'autorisation d'ouverture de nouvelles agences par la Banque d'Algérie. Certaines banques se sont retrouvées, au début de l'année 2011, avec une vingtaine d'agences dans l'attente du feu vert de la Banque centrale. C'est le cas en particulier de la Société générale dont le PDG, Gérald Lacaze a regretté publiquement à plusieurs reprises les retards imposés au développement du réseau de sa banque. La Gulf Bank avait également au début de cette année une dizaine d'agences entièrement équipées et le personnel recruté en attente d'un agrément depuis près de 2 ans pour certaines d'entre elles.

 Ces retards qui ont été pendant un temps interprétés comme un dysfonctionnement bureaucratique sont apparus de façon croissante comme une démarche délibérée du régulateur algérien du secteur. Ils sont perçus comme la traduction de la volonté de la Banque d'Algérie d'exercer à un contrôle plus strict sur la croissance des réseaux. Selon nos sources, les agréments ne seront plus, à l'avenir, délivrés automatiquement .Ce contrôle devrait concerner non seulement l'agrément des nouvelles agences mais également la possibilité pour ces agences d'opérer dans le domaine du commerce extérieur qui donne lieu à une autorisation spécifique.

Rééquilibrage entre public et privé

Un pilotage plus fin de la Banque d'Algérie qui s'inspire de la volonté des autorités algériennes de rééquilibrer le développement des réseaux en faveur des banques publiques. Dans ce domaine, une correspondance récente adressée par le Premier ministère à la Banque d'Algérie demandait explicitement à cette dernière d'accélérer la délivrance des agréments en faveur des banques publiques. A travers cette démarche, les objectifs poursuivis par les autorités financières semblent viser globalement à maintenir les banques privées au dessous du seuil d'environ 20% de part de marché qu'elles sont sur le point d'atteindre. Un autre aspect de ce rééquilibrage concerne la nature des activités privilégiée par les banques

 Le financement des opérations d'un commerce extérieur toujours aussi florissant reste plus que jamais l'un des piliers de la profitabilité des banques privées. . On estime qu'elles réalisent dans ce domaine plus de 30% de part de marché. Une performance qui est attribuée à la célérité qui caractérise l'exécution des opérations Les banques privées ont très bien assimilé l'obligation de recourir au crédit documentaire introduite brutalement au cœur l'été 2009. Le traitement des lettres de crédit a été multiplié par dix dans certains établissements qui se sont adaptés rapidement à la nouvelle réglementation en renforçant les effectifs et en formant du personnel. Un retour à la normale en matière de délais de traitement a été enregistré dans la plupart des établissements au début de l'année 2010 et la plupart des banques privées sont aujourd'hui capables d'ouvrir une lettre de crédit en 24 heures tandis que le règlement des opérations est bouclé dans un maximum de 10 jours. Le succès des banques privées dans le domaine du commerce extérieur est également dû à des coûts très compétitifs, notamment dans le cas des grandes banques comme BNP Paribas, City Bank ou HSBC qui peuvent s'appuyer sur un réseau international permettant de réduire les coûts de confirmation

 En attribuant de façon plus sélective l'autorisation d'exercer dans le domaine du commerce extérieur, l'autorité de régulation pourrait ainsi rééquilibrer la part des 2 secteurs en faveur des banques publiques dans une activité qui est généralement considérée comme particulièrement rentable. Elle devrait également contribuer à orienter davantage l'activité des banques privées vers le financement des PME ou encore le crédit immobilier qui sont les priorités désignées par les pouvoirs publics depuis plusieurs années et dont les orientations du dernier Conseil des ministres ont de nouveau souligné l'urgence.