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En annonçant vendredi dernier qu'il reste au pouvoir jusqu'à septembre prochain, puis en lâchant mercredi les nervis du régime contre les occupants de la place «Ettahrir», Moubarak a fermé la porte à toute forme de compromis entre le pouvoir en place et le peuple égyptien. Hier, ce peuple a administré au dictateur qui s'accroche au pouvoir la démonstration de sa détermination à aller au bout de sa revendication, qui est qu'il quitte immédiatement son poste. C'est un raz de marée populaire qui a déferlé ce vendredi au Caire mais aussi dans l'ensemble des autres villes du pays pour lui faire entendre cette exigence. Après un tel déferlement, il n'y a plus place aux «arrangements» qui, sous prétexte de pragmatisme et de préservation de la «dignité» du vieux dictateur, voudraient faire renoncer le peuple égyptien à celle-ci. En lâchant ses nervis contre le peuple, Moubarak a commis son ultime forfaiture. Lui qui, en guise de plaidoyer, s'est targué d'être un patriote au service de la nation égyptienne, il n'a pas hésité pour défendre son fauteuil et son régime pourri à faire le pari sur une guerre civile. Désormais, son maintien au pouvoir ne peut que plonger le pays dans cette voie. L'armée se trompe lourdement en persistant à tolérer son maintien malgré le refus qu'exprime le peuple quasi unanimement. Il ne lui suffit pas également de ne pas intervenir contre les manifestants réclamant son départ. Il lui faut comprendre que le moment est venu pour elle de choisir d'être avec Moubarak et son régime haï, ou avec ce peuple dont elle a déclaré considérer ses revendications légitimes. Jusque-là, le peuple égyptien a fait le distinguo entre cette armée et les gouvernants, Moubarak en tête, dont il ne veut plus. Si elle persiste à laisser faire le pourrissement auquel le vieux dictateur et son entourage veulent conduire la situation dans le pays, elle finira par s'attirer elle aussi l'opprobre populaire et se voir ainsi disqualifiée du rôle d'arbitre dans la crise politique ouverte par une dictature vomie. Il était compréhensible un temps que l'armée ait cherché à soutenir un scénario de sortie de crise qui préserve la «dignité» du président contesté. Après tout, le dictateur est sorti de ses rangs et est son chef suprême. La compréhension n'est plus de mise du moment qu'un tel scénario devient impossible parce que Moubarak a fait en sorte qu'il en soit ainsi. En faisant massacrer par ses hommes de main les manifestants qui réclament pacifiquement son départ. La faute de l'armée serait de le laisser continuer à faire. Elle n'est pas le seul acteur qui, par l'ambiguïté de son comportement, encourage le vieux dictateur à chercher à briser par la violence le mouvement populaire de révolte qui embrase l'Egypte depuis 12 jours. Les «démocraties» américaine et européennes ont elles aussi une grande part de responsabilité au fait qu'il s'entête à rester au pouvoir et à user de criminels moyens pour y parvenir. Dans le cas de l'Egypte, ces»démocraties», gardiennes du temple de la souveraineté populaire, se sont découvert des obligations de réserve et de non-ingérence dans ses affaires nationales. Pour toute prise de position, elles se sont contentées de conseiller la non-violence aux protagonistes de la crise égyptienne. Aucune n'a clairement dénoncé les provocations sanglantes auxquelles se livrent les nervis stipendiés par Moubarak. Aucune surtout n'a franchement demandé au dictateur de renoncer au pouvoir. Leur manque d'empressement à le lui dire dénote qu'elles nourrissent le secret espoir que le temps travaille pour lui. Il n'est en rien paradoxal que ces «démocraties» penchent pour le dictateur plutôt que pour son peuple qui réclame le changement dans le pays sur la base de la démocratie et de la liberté. Pour elles, l'intime conviction que leur procure la perception de leurs intérêts dans ce pays et dans la région est que les pays arabes doivent être exclus de l'exercice du droit à cette démocratie et à cette liberté. Ce en quoi leurs intérêts en Egypte et ailleurs dans le monde arabe pâtiront inéluctablement, car le réveil des peuples de cette région est irrépressible. |
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