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Le président Abdelaziz Bouteflika a totalement raison
: l'état d'urgen ce n'empêche rien. Les
opposants ont focalisé sur le sujet uniquement car il est l'illustration légale
d'une situation totalement verrouillée sous un décor de pluralisme. La levée de
l'état d'urgence ne permettra rien si la manière du pouvoir de concevoir son
rapport à la société reste la même.
Annoncée dans un contexte tunisien et égyptien marqué par l'irruption de la société comme acteur, la mesure restera purement symbolique si l'on n'entre pas dans un processus de démocratisation sérieux. Car, en ces temps de révolution, il faut sortir du formalisme qui permet au pouvoir d'affirmer que nous sommes dans une «démocratie pluraliste». Formellement, il y a effectivement une pléthore de partis, mais cela ne signifie pas qu'il existe une vie politique partisane. Ce n'est pas insulter Belkhadem, Ouyahia ou Hanoune, pour ne citer que ceux qui ne sont pas dans la contestation, que de noter qu'ils ne sont pas considérés par les Algériens comme des «acteurs». Leur mérite ou leur qualité intrinsèque, leurs idées ne sont pas en cause. Dans le meilleur des cas, ils sont des acteurs politiques virtuels qui attendent l'avènement d'une scène politique concurrentielle où les électeurs finissent, après des débats qui ne se réduisent pas aux quelques semaines préélectorales, par arbitrer et trancher. En attendant, ils jouent à faire semblant. Ou bien à être des exécutants. Le président de la République dit que rien dans la loi n'interdit aux partis l'accès à la télévision et à la radio. Rien dans la loi ne l'empêche, en effet, bien au contraire. Mais dans les faits, l'interdit existe depuis de nombreuses années. Rien dans la loi n'interdit de créer un parti, mais dans les faits l'interdit existe et il ne concerne pas des gens réputés «subversifs». Rien n'interdit de se réunir, cela n'empêche pas que la LADDH n'arrive pas organiser une activité dans un hôtel. Rien dans la loi, hormis un devoir de déclaration, n'interdit de créer un journal. Mais dans les faits, il faut un agrément? On peut multiplier à l'envi les exemples qui montrent que la démocratie pluraliste, formellement reconnue, n'a aucune existence au plan du réel. L'Algérie est dans une situation où tout est permis légalement, mais rien n'est permis réellement. On est autorisé à critiquer, causer, palabrer, mais on ne peut rien changer. Les instruments du changement politique sont neutralisés. La politique n'est pas un jeu, c'est du sérieux. Faire semblant de faire de la politique est discréditant. Il ne faut pas chercher plus loin les raisons qui font que les appareils politiques sont d'une incidence nulle dans la société. Dans l'état de confinement où ils sont réduits, ils ne sont que des tremplins à des ambitions individuelles. L'Algérie n'est pas une dictature, a affirmé quelqu'un récemment. C'est vrai, des petits espaces existent dans la presse privée pour la critique. Mais l'Algérie n'est pas une démocratie. La politique n'est pas autorisée, elle est le monopole du pouvoir. Tout le reste prend l'allure d'un décor. Il paraît qu'il ne faut pas comparer avec ce qui se passe à l'est de l'Algérie. Mais observons néanmoins qu'il y a encore quelques semaines, le régime de Moubarak faisait valoir que l'état d'urgence n'était pas une entrave, qu'il y a des partis politiques en Egypte et qu'il existe une presse libre en Egypte. Et elle ne se limite pas à la presse écrite mais s'étend à l'audiovisuel. Mais là-bas aussi, la politique était un monopole. Et les instruments permettant les changements, les alternances, le renouvellement du personnel et des idées étaient neutralisés. A défaut de faire le saut qualitatif mettant le pays dans une démocratie sérieuse, donc «non spécifique», le régime égyptien a préparé le terrain à la révolution. C'est cela la vraie leçon. La vraie alerte pour le pouvoir en Algérie. |
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