Un peu plus de deux semaines après le départ sans gloire du président
tunisien Zine El Abidine Ben Ali, la Tunisie est toujours en proie à des
troubles et des manifestations de protestation, alors que le gouvernement de
transition tente de reprendre les choses en main. Hier, il s'est réuni pour la
première fois depuis son remaniement le 27 janvier dernier, avec au menu
plusieurs points, dont le retour de la sécurité dans le pays, et une éventuelle
levée du couvre-feu. La situation sur le plan sécuritaire reste en fait tendue,
après l'incendie de la Synagogue d'El hamma, près de Gabes. Selon une source
gouvernementale qui a requis l'anonymat, ce conseil devait se centrer sur la
question de la sécurité dans le pays, où plusieurs incidents ont été rapportés
ces jours derniers. Hier matin, des centaines de manifestants se sont
rassemblés à Kasserine, dans le centre de la Tunisie pour dénoncer la situation
chaotique de cette ville secouée lundi par de violents incidents. Mohamed
Drbali, membre du »comité régional pour la sauvegarde de la révolution» et
Sadok Mahmoudi, un syndicaliste, ont indiqué que les manifestants, qui ont
finalement été dispersés par l'armée, exigeaient une solution urgente pour
mettre fin à une situation jugée «chaotique et instable». Ils réclamaient
également la «punition» des »malfaiteurs» qui se sont livrés lundi à des
pillages et saccages. Selon eux, la police était totalement absente de la
ville, tandis que des blindés de l'armée étaient stationnés près des bâtiments
officiels. A la suite de ces incidents, 18 personnes ont été arrêtées lundi
soir par des habitants de la ville, et l'une d'elles aurait avoué «avoir été
payée» par le RCD, le parti au pouvoir sous le régime du président Ben Ali
«pour semer des troubles». Six ont été relâchés, les 12 autres auraient été
transférées dans une caserne. Lundi, la sous-préfecture de Kasserine a été
pillée et saccagée par plusieurs centaines de personnes, selon des sources
syndicales et l'agence officielle TAP. Selon ces mêmes sources, les forces de
l'ordre ne sont pas intervenues. «Plusieurs centaines de personnes se sont
attaquées à la sous-préfecture et la maison du sous-préfet ce matin (lundi).
Ils ont tout pillé et saccagé», selon Choukri Hayouni, un syndicaliste joint à
Kasserine. Kasserine avait connu début janvier des affrontements très violents
entre policiers et manifestants qui avaient fait au moins 21 morts, dans la
ville même et dans la localité voisine de Thala, selon l'ONG Human Rights
Watch.
Par ailleurs, le bilan des
violentes manifestations qui ont conduit à la chute du régime de Ben Ali est de
219 morts et 510 blessés, selon le chef de la mission du Haut Commissariat aux
droits de l'homme de l'ONU. Lors d'une conférence de presse, M. Bacre Ndiaye, a
précisé que 147 personnes avaient trouvé la mort depuis le début des troubles
en Tunisie à la mi-décembre, ainsi que 72 personnes dans des prisons. «Selon
les derniers chiffres retenus, il y a eu 147 personnes tuées et 510 blessées.
Ces chiffres n'englobent pas les victimes des prisons», a-t-il déclaré. M.
Ndiaye a précisé que ces chiffres étaient encore «provisoires» et que l'ONU
poursuivait ses enquêtes. Le précédent bilan de l'ONU faisait état le 19 janvier
d'»au moins 100 morts».