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Un parfum de jasmin en Egypte

par Kharroubi Habib

Il flotte un parfum de jasmin sur les bords du Nil. Les rues de la capitale égyptienne et de plusieurs autres villes de province ont été les théâtres, mardi, de manifestations de contestation s'inspirant de toute évidence de la révolte populaire qui est venue à bout en Tunisie de l'ex-président Ben Ali et de son régime dictatorial.

Les revendications scandées par les manifestants, «Moubarak dégage», «Pain, liberté et dignité», ont démontré que la population égyptienne aspire aux mêmes changements que ceux qui viennent de se produire en Tunisie. C'est bien là un phénomène de contagion dû à la révolution du jasmin, que de doctes politologues ont trop vite déclarée improbable s'agissant du pays arabe le plus peuplé.

L'Egypte a en tout cas connu ce mardi les manifestations antigouvernementales les plus importantes du genre au cours des trois décennies de présence du président Hosni Moubarak à la tête de l'Etat. Et cela ne semble pas être un feu de faille, puisque des appels à poursuivre les mouvements de contestation ont été lancés et que la rue égyptienne continue à bouger malgré l'interdiction de toute manifestation décrétée par les autorités cairotes et l'impressionnant déploiement de forces répressives.

L'Egypte n'est pas le seul pays arabe où se fait ressentir l'onde de choc de la révolution du jasmin. Au Soudan, mais aussi en Jordanie et au Yémen, il y a des prémices de révolte qui pointent.

Pour les alliés occidentaux de ces régimes arabes mis sous pression par leurs populations, la situation est plus qu'embarrassante, car mettant à nu les complaisances qu'ils ont à leur égard. Ils ne peuvent plus feindre d'ignorer les natures dictatoriales de ces régimes et le rejet populaire dont ils sont l'objet. Pour en revenir à ce qui se passe en Egypte, il doit être désormais clair pour les «amis» étrangers de Moubarak, américains et français notamment, que celui-ci ne se maintient au pouvoir qu'au prix d'une dictature que leurs complaisances éternisent.

L'on ne sait pas encore si le peuple égyptien fera preuve de la même courageuse détermination que celui de Tunisie. Il a en tout cas fait savoir massivement qu'il en a assez du régime corrompu et dictatorial et de son chef. Et ce ressentiment, tous les autres peuples arabes l'éprouvent à l'encontre de leurs gouvernants respectifs. Le monde arabe est manifestement en gestation d'une profonde mutation. La conscience civique de ses populations est arrivée à maturation et leur fait revendiquer le droit de se choisir les dirigeants qu'elles veulent.

Pour les Occidentaux, c'est sûrement une situation d'incertitudes dont ils craignent les conséquences sur leurs intérêts géostratégiques dans la région. Ils feront souterrainement tout pour endiguer les revendications dont est porteur l'éveil de la conscience populaire arabe. En tentant notamment de dévoyer l'aspiration libertaire et démocratique qu'elle exprime.

Ce ne sont pas en effet les dictatures du monde arabe qui posent problème au monde occidental, prétendument défenseur de la liberté et de la démocratie, mais celles-ci quand elles sont arrachées et assumées par les peuples de la région. Une perspective qu'ils s'acharnent à rendre impossible sous le prétexte de préservation de la stabilité du monde arabe, indispensable pour celle du reste de la planète.