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Les malades

par El-Guellil

Ce n'est pas de la salle d'attente du toubib qu'il s'agit. Celle où on vient consulter un médecin sans savoir si on pourra se payer les médicaments prescrits. C'est de l'autre. Ce genre de salles qui sont à la mode. On y va parce qu'y va la crème (à fouetter). On y va comme on irait à la grande surface qui vient d'ouvrir ses portes.  C'est chic. On y va même si nous n'avons rien à acheter. On y va même quand on n'est pas malade. On y va pour pouvoir dire: «Ah oui, j'y suis allé. C'est top.» Ça grouille. Que des liftingueurs». L'atmosphère est saturée par une seule sorte d'humanité ça renifle profondément, ça gueule, ça gigote, ça laisse ses gosses beugler. Et ça parle débat des grandes questions philosophiques de notre temps, du divorce, de la grande star au dernier tube de cheb analphabébête, du problème palestinien à? Des paroles qui puent la bêtise, d'où suinte l'inexprimable vacuité d'une vie minable glorifiée.

 Le singe à casquette, training flambant dégueulasse, vante les mérites de son moteur à turbine, tandis que sa greluche, très jeune et pourtant déjà ravagée, chique un chewing-gum. La gueule ouverte. L'air morne. Totalement inexpressif. Son moutard fait la course dans les couloirs en hurlant. Ils se plaignent de la violence qui ne les a jamais effleurés, car jamais ils ne sortent de leur grosse cylindrée et de leurs lunettes de soleil fumées.»Tout ça à cause de l'exode rural», dit-il. Le citadindon.

 Quant à son interlocuteur, un autre à la tronche avinée, il exhibe la griffe de sa vista qu'il n'arrête pas de mettre et de démettre. Il regarde sa montre d'un air entendu et marmonne un borborygme incompréhensible.»C'est plus possible de trouver un cabinet sérieux dans ce douar».

 Là au moins, on est sûr qu'il y a de vrais malades.