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Tentative d'émigration clandestine: 18 harraga devant le tribunal d'Aïn El Turck

par Rachid Boutlélis

En s'alignant devant la barre des accusés, les dix- huit candidats à l'émigration clandestine donnent beaucoup plus l'impression d'éprouver une certaine amertume plutôt que des remords. Une bonne demi-douzaine d'entre eux, dont le menton est encore saupoudré d'un semblant de duvet, semblent à peine sortir de l'âge de l'adolescence. Leur tenue vestimentaire ressemble à celle que portent les jeunes de leur âge, que l'on croise aux abords des universités. La grande majorité de ces harraga sont originaires des villes limitrophes de la capitale de l'ouest du pays, à savoir Mascara, Aïn Témouchent et Sidi Bel-Abbes. Le reste demeure dans les populeux quartiers d'Oran. Selon les déclarations formulées devant les enquêteurs de la police judiciaire de la sûreté de daïra de Ain El Turck, vers laquelle ils ont été acheminés après avoir été ramenés sur terre par les gardes-côtes, c'est un individu, qui se fait appeler « Moussa », qui les a rassemblés lundi dernier dans la localité côtière de Paradis Plage, sur le littoral ouest de la wilaya d'Oran.

Celui-ci leur a fixé rendez-vous en ce lieu afin de les informer sur la date et le point de départ pour l'entame de cette périlleuse traversée vers le vieux continent. Ils ont évidement déboursé chacun entre 5 et 9 millions de centimes pour prétendre participer à cette folle aventure, qui n'aura finalement duré qu'un peu plus d'une demi-heure. Leurs illusions se sont subitement évaporées dans la brume du petit matin de jeudi dernier et ce, lorsque que les gardes-côtes de la Marine nationale ont repéré leur embarcation de fortune au large du littoral Ouest.

Le juge les balaie du regard avant de les inviter à formuler leurs déclarations à tour de rôle. Une avocate du barreau d'Oran, qui s'est constituée d'office pour leur défense, s'approche davantage pour écouter chacune de leurs argumentations.    

La plupart s'exprimaient d'une voix à peine audible pour invoquer le délit dont ils s'étaient rendus coupables. Dans la salle d'audience, où régnait une affluence inhabituelle, les proches et les amis de ces candidats à l'émigration clandestine, ont tendu leur cou pour tenter de comprendre les petites phrases que chacun formulait pour se défendre.

Deux femmes d'un certain âge, vraisemblablement des mères de prévenus, se chuchotent mutuellement à l'oreille sous le regard désapprobateur d'un agent de police chargé de la sécurité des lieux. A l'issue d'une brève plaidoirie, l'avocate de la défense a demandé le bénéfice des circonstances atténuantes en faveur de ses mandants en mettant en exergue leur inconfortable situation sociale.

Le représentant du ministère public a requis une peine de six mois de prison avec sursis pour chaque prévenu, assortie d'une amende de 10 millions de centimes. Aux termes des délibérations, le tribunal correctionnel de Aïn El Turck a condamné chacun des accusés à une amende de 6 millions de centimes. Dès l'annonce du verdict les familles des harraga, qui ont exprimé ostentatoirement leur joie, se sont ruées vers l'extérieur de la salle d'audience. Quelques minutes après leurs véhicules ont démarré sur les chapeaux de roues en direction de la maison d'arrêt d'Oran d'où devaient être libérés les prévenus en fin d'après-midi.