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L'annonce est enfin tombée hier en fin d'après-midi. La Tunisie, après
plusieurs semaines d'émeutes et le départ précipité du président Zine
el-Abidine Ben Ali, a un gouvernement d'union nationale, né de tractations
entre les partis d'opposition et le dernier carré de l'ancien pouvoir.
Le dernier Premier ministre du président déchu, Mohammed Ghannouchi, a annoncé hier la formation de ce gouvernement d'union nationale, qui comprend trois chefs de l'opposition. Ce nouvel exécutif, qui ne devrait vivre que jusqu'aux prochaines élections présidentielles anticipées dans deux mois, comprend également huit ministres de l'ancien gouvernement. Mohamed Ghannouchi, qui s'exprimait devant des journalistes au palais du gouvernement, a donné la liste des 24 ministres de ce gouvernement d'union nationale, chargé de gérer le pays jusqu'à la tenue de prochaines élections présidentielles et législatives. Selon le Premier ministre, trois chefs de partis politiques de l'ancienne opposition au régime du président Zine el-Abidine Ben Ali font partie de ce gouvernement, même si deux de ces partis ne sont pas représentés au Parlement. Parmi les six membres de l'ancien gouvernement Ben Ali qui ont aussi été reconduits, il y a le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères Kamel Morjane et celui de l'Intérieur, Ahmed Kriaâ. En outre, des représentants de la société civile figurent dans ce gouvernement. Cependant, le ministère de l'Information a été carrément supprimé, M. Ghannouchi ayant précisé que ce ministère est accusé de censurer la liberté de la presse et d'expression dans le pays. Dans la foulée de l'annonce d'un gouvernement d'union nationale devant gérer les affaires du pays en attendant la tenue d'élections anticipées pour l'élection d'un président et d'un nouveau parlement, dont sera issu un nouvel exécutif, M.Ghannouchi a annoncé également hier la libération de tous les prisonniers d'opinion, la liberté totale de l'information et la levée de l'interdiction d'activités des ONG dont la Ligue des droits de l'homme tunisienne. Quelques instants avant la formation du gouvernement d'union nationale, l'opposant historique tunisien Moncef Marzouki avait annoncé sa candidature à la présidentielle en Tunisie prévue dans un délai de deux mois, dans une interview à la radio française France Info. «Je serai effectivement candidat» à l'élection présidentielle, a déclaré Marzouki, dirigeant du Congrès pour la République (CPR), parti de la gauche laïque, interdit sous le régime Ben Ali. Par ailleurs, les événements s?accélèrent en Tunisie où le calme est revenu hier, après une nuit de dimanche marquée par des affrontements armés entre l'armée, restée proche du peuple, et des snipers soupçonnés d'être des partisans de Ben Ali. Dimanche, de violents affrontements avaient opposé à Tunis forces de sécurité et éléments fidèles au chef de l'Etat déchu Ben Ali, qui ont été attaqués par l'armée dans le palais présidentiel de Carthage. Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi avait averti dimanche soir que les autorités de transition ne feraient preuve d'»aucune tolérance» envers ceux qui sèment le chaos dans le pays. Des tirs, d'abord sporadiques, puis de plus en plus nourris, ont été échangés pendant deux heures dans l'après-midi à Tunis entre des francs-tireurs cachés dans des immeubles et des policiers et des militaires, près de l'avenue Bourguiba. Deux francs-tireurs ont été abattus dans ces affrontements, et quelques heures plus tard, lorsque le couvre-feu était en vigueur, l'armée a donné l'assaut au palais présidentiel de Carthage dans lequel sont retranchés des éléments de la garde présidentielle de Zine el-Abidine Ben Ali. Hier lundi, des manifestants ont exigé la dissolution du parti du président déchu Zine el-Abidine Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). «La révolution continue! RCD dehors!», ont scandé à Tunis plusieurs centaines de manifestants réunis en deux groupes sur l'avenue Habib Bourguiba, l'un devant le théâtre municipal de Tunis, l'autre devant l'ambassade de France. «On ne veut personne du RCD dans le futur gouvernement, y compris le Premier ministre» actuel, Mohammed Ghannouchi, a déclaré un manifestant. «Avec notre sang et notre âme, nous sommes prêts à mourir pour les martyrs», criaient encore les manifestants, en référence aux dizaines de Tunisiens tués dans la répression de la révolte populaire d'un mois qui a provoqué la chute du régime autocratique de Ben Ali. En France, l'onde de choc des événements de Tunisie a été enregistrée à Marseille où des Tunisiens avaient envahi hier le consulat général de Tunisie dans cette ville pour se le «réapproprier», en réclamant le départ des partisans de l'ex-président Ben Ali et la continuité des services délivrés au public. «Les Tunisiens de Marseille se réapproprient le consulat», pouvait-on lire sur une affichette posée par l'un d'eux sur la porte menant au bureau du consul général. Par ailleurs, des informations rapportent que la famille du président Zine el-Abidine Ben Ali se serait enfuie de Tunisie avec 1,5 tonne d'or. Selon la chaîne TF1 et le journal Le Monde, qui cite des sources à la présidence française, «l'Elysée soupçonne la famille Ben Ali d'avoir fui la Tunisie avec 1,5 tonne d'or». La Banque centrale de Tunisie a démenti ces informations. Enfin, les membres de la redoutable garde «Prétorienne» de Ben Ali ont assuré qu'ils coopèrent avec les forces de sécurité sous le gouvernement de transition. Accusés par la rumeur d'être associés aux récentes exactions en Tunisie, des membres du corps de la sécurité présidentielle, redouté de la population, ont indiqué que «certains d'entre nous ont servi sous (l'ancien chef d'Etat Habib) Bourguiba, nous avons travaillé pour (Zine el-Abidine) Ben Ali, nous protégerons aussi le prochain président. Nous sommes là pour protéger le président, quel qu'il soit», promet hier un officier de la sécurité présidentielle posté devant le palais situé à Carthage, au nord de Tunis. |
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