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Oran : des policiers blessés et des arrestations

par R. N.

La crainte de voir de nouveaux incidents éclater à Oran dans le sillage des évènements enregistrés mercredi, notamment à Bastié, Victor Hugo et El Hamri, puis jeudi à Sidi El Bachir, Chteïbo et El Kerma, a alimenté l'essentiel des discussions des Oranais hier.

Une crainte accentuée par des rumeurs ayant circulé tout au long de la semaine annonçant des manifestations importantes après la prière du vendredi. Une appréhension finalement confirmée par des échauffourées enregistrées dès 15h dans différents quartiers de la ville, notamment au centre-ville, Gambetta, Zraâ, Petit Lac et El Hamri. Au niveau de ce quartier, là justement où les premiers évènements ont été enregistrés mercredi, policiers antiémeute et jeunes manifestants se sont livrés à une véritable bataille des rues, avec des jets de pierres d'un côté et tir de bombes lacrymogènes de l'autre. On a pu noter que le nombre de policiers engagés au niveau des incidents d'El Hamri, ne dépassait guère la vingtaine, alors que les émeutiers se comptaient par dizaines. Un sous nombre qui a considérablement gêné les policiers pour maîtriser rapidement la situation. Il faut dire que le déclenchement quasi simultanés de ces incidents dans au moins cinq ou six sites différents et tous distants les uns des autres, a contraint les forces de l'ordre à utiliser leur moyens et leurs effectifs d'une manière intelligente. En outre, le conseil de sécurité de wilaya s'est réuni jeudi. Il a décidé, entre autres, la réquisition des cadres de l'administration publique et des entreprises publiques. D'autre part, nous apprenons d'une source sûre que la wilaya d'Oran a réclamé des renforts des autres wilayas limitrophes. Une unité de 150 éléments a été dépêchée de Mostaganem pour prêter main forte à leurs collègues d'Oran.

 D'ailleurs, les Oranais ont relevé une présence plus visible de la police notamment dans les quartiers réputés «chauds». Des fourgons ont pris place sur certains carrefours. Les voitures de police sillonnent pratiquement tous les quartiers même ceux où elles ne se sont jamais aventurées. Dans la soirée de jeudi, des éléments des brigades antiémeute se sont accrochés avec des jeunes émeutiers du quartier de Petit Lac jusqu'à une heure tardive. Ces éléments ont empêché les émeutiers de parvenir au siège de la mairie et au siège de la CNEP, institutions charriant des symboles aux yeux des émeutiers. Mais à ce niveau, relevons que le quartier a vécu des scènes devenues récurrentes : après des échanges de jets de pierres et de bombes lacrymogènes, les «belligérants» observent des moments de trêve où les familles fournissent aux éléments des forces de l'ordre café et gâteaux. Du côté du quartier de Ras El Aïn, des jeunes ont brûlé des pneus et ont arraché des poteaux électriques. Hier, dans la matinée, des agents de la mairie se sont déplacés sur les lieux pour effacer les traces des manifestations.

Dès 14h30, un attroupement s'est formé tout au long de la rue Larbi Ben M'hidi. Devant la présence massive des forces de l'ordre, en tenue et en civil, des jeunes émeutiers ont préféré se rabattre sur Cavaignac. Les escarmouches entre émeutiers et éléments antiémeute n'ont pas duré trop longtemps tant que les éléments des forces de l'ordre sont restés sur leur position en plein milieu de la rue.

 Mais vers 15h30mn, les forces de l'ordre ont décidé d'investir le quartier Cavaignac pour disperser les foules qui ont commencé à se masser en grand nombre. Attitude assimilée à de la provocation par les jeunes qui ne se sont pas empêchés de les accueillir par différents projectiles, profitant de l'écheveau des venelles pour échapper aux éléments des forces de l'ordre. Ce qui laisse supposer que la soirée sera chaude dans cette partie de la ville. Bilan, plus de vingt policiers blessés et plusieurs arrestations parmi les émeutiers.

 La veille, jeudi, c'était au tour des zones dites périphériques de la ville de connaître à leur tour des scènes de violence, notamment à Sidi El Bachir et El Kerma où des dizaines de jeunes ont bloqué les routes à la circulation en utilisant des pneus brûlés et autres blocs de pierres. Plusieurs véhicules de passage par ces zones ont été pris à parti par les émeutiers qui n'ont pas hésité à leur lancer des pierres. A Haï Nedjma (Chteïbo), dans la zone des show-rooms, un concessionnaire automobile, Toyota en l'occurrence, a été également attaqué par des dizaines de jeunes à coup de pierres. L'incident s'est produit aux environs de 15 h, jeudi, en dépit de la présence d'une quinzaine d'agents de sécurité qui n'ont rien pu faire devant des émeutiers en furie dont l'objectif était de détruire les façades en verre du show-room. La proximité du concessionnaire en question de la cité Amel à Chteïbo, un groupement à forte concentration démographique, l'a rendu vulnérable à ce type d'attaque, et les incidents enregistrés ce jeudi aurait pu être beaucoup graves si ce n'était l'intervention rapide des éléments de la gendarmerie nationale qui ont très vite bouclé la zone et rétablit la sécurité. Difficile de savoir l'ampleur des dégâts matériels enregistrés. Ceci dit, le concessionnaire automobile a décidé hier de doubler le nombre de ses effectifs chargés de la sécurité. Une démarche entreprise par l'ensemble des concessionnaires situés au niveau de cette zone.

 A noter que 22 policiers ont été blessés durant les journées de mercredi et jeudi à Oran, selon des sources hospitalières.

 Sur un autre plan et mis à part quelques autorails desservant certaines villes de la région ouest du pays, les trains de grandes lignes en partance pour Alger ont été cloués à la gare d'Oran depuis jeudi après-midi. Ce jour là, d'autres départs vers la capitale ont eu lieu normalement avant que celui de 15h, le rapide, ne soit annulé après que les responsables de la SNTF aient été informés des émeutes qui se déroulaient à Chlef. Pour ce départ et dont l'annulation a été décidée alors que les passagers étaient à bord du train, les voyageurs ont dû attendre près d'une heure avant qu'ils ne soient informés. Hier vendredi, tous les départs ont été annulés et les dizaines de voyageurs qui se sont présentés à la gare ont été complètement désorientés en raison de l'absence flagrante d'interlocuteurs. Ceux qui devaient voyager par nécessité et ayant les moyens financiers se sont rabattus sur le transport aérien.

 A Tiaret, vers 17 heures, les émeutes ont gagné la ville de Tiaret. Ainsi, le nouveau lycée Belhouari Mohamed, sis près de l'université, a été saccagé et pillé. Près de la maison d'arrêt, des pneus ont été brulés et la route a été coupée à la circulation, ainsi qu'au niveau du musée du Moudjahid. Quelques heurts ont également eu lieu au niveau de la cité Boulani. On dénombre, en outre, une quinzaine d'arrestations parmi les émeutiers.

 Jeudi, un vent de panique souffla sur tout Tiaret au point que la ville se vida de ses habitants en deux temps, trois mouvements. En effet, la «mèche» a été «allumée» lorsque les transports publics ont cessé soudainement de desservir plusieurs quartiers populaires de la ville. La fermeture du siège de Djezzy à Tiaret, lequel sans «crier gare» a prié tout le monde à quitter «sans délai» ses locaux avant de baisser les rideaux vers quatorze heures trente a ouvert la voie «autoroutière» à toutes sortes de folles rumeurs. Mais comme la rumeur se propage à la vitesse de la lumière dans une ville comme Tiaret où comme on dit ici «l'odeur d'un brin de b'khour se répand à toute la ville en quelques minutes seulement», les téléphones portables se sont mêlés eux aussi de la partie puisque aucun message texto (SMS) ne voulait plus passer, même si les communications téléphoniques passaient normalement. Vérification faite par nos propres soins en envoyant un sms, l'on reçoit en réponse sur notre téléphone portable la mention «imparable»: «veuillez vérifier les services de votre opérateur»! Jusqu'à vingt et une heure jeudi soir, aucun sms de n'importe quel opérateur de téléphonie mobile ne voulait effectivement plus passer, amplifiant démesurément la rumeur sur l'imminence d'émeutes imaginaires» aux quatre coins de la ville. A Oran le « black-out sur les sms, ainsi que les mms a duré de 14 heures, jeudi, 2 heures du matin, vendredi.

 A Chettia, dans la wilaya de Chlef, jeudi aux environs de 11 heures, des jeunes de la commune de Chettia, avoisinante du chef-lieu de wilaya ont brûlé des pneus et bloqué la route à l'aide des pierres et troncs d'arbres. Des heurts se sont produits entre les manifestants et les services de sécurité sans faire de blessés signale-t-on.