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BRICS

par K. Selim

La nouvelle n'a pas fait grand bruit. La Chine a invité l'Afrique du Sud à se joindre à la réunion du groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) qui doit se tenir en avril prochain à Pékin. Le club des économies émergentes réuni sous l'acronyme inventé par un banquier d'affaires new-yorkais en s'adjoignant la nation la plus avancée du continent africain, prend une tournure bien plus stratégique que purement économique.

 L'Afrique du Sud n'était pas le candidat le plus évident à l'adhésion à ce groupe. La Corée du Sud, le Mexique ou la Turquie qui affichent des PIB nettement plus importants que celui de la RSA auraient pu prétendre, sur cette seule base, à rejoindre le BRIC. Mais le pays de Mandela, outre le fait qu'il soit la porte d'entrée du continent, bénéficie d'une position géostratégique d'importance capitale entre les océans Indien et Atlantique. Et à la différence de ses trois «concurrents», il fait montre d'une plus grande indépendance en matière de politique étrangère. La Turquie qui a pris ses distances avec le discours occidental sur un certain nombre de thématiques de premier plan, notamment la question palestinienne, pâtit de l'intégration de son armée à l'Otan et de l'allégeance de ses militaires au système de défense global US et à l'idéologie nord-américaine.

 Pour Pékin, Moscou et Brasilia, l'inclusion du géant africain renforce la dimension planétaire d'un club soucieux du rééquilibrage des relations internationales et qui souhaite selon les termes du communiqué du ministère des Affaires étrangères brésilien «? réformer le système financier et? accroître la démocratisation de la gouvernance globale». On ne saurait être plus clair. Pour Moscou, cette nouvelle adhésion au BRIC «entre dans la perspective? d'un système international polycentrique».

 L'inclusion de l'Afrique du Sud dans ce qui devrait désormais s'appeler le BRICS répond naturellement aussi à des réalités économiques plus prosaïques. La stratégie chinoise de présence active sur le continent aux ressources naturelles les plus importantes n'est pas étrangère à cette décision. Pékin qui a fortement développé ses échanges avec l'Afrique du Sud est le principal partenaire d'un pays devenu la première destination des investissements directs chinois sur le continent noir. Et Pretoria dispose d'une influence réelle sur l'ensemble du continent, bien au-delà de sa seule région australe.

 Le fait qu'en 2011 et 2012 tous les pays du «BRICS» seront au Conseil de sécurité des Nations unies a été pris en compte. Dans un contexte de tensions persistantes, le groupe des cinq pays de l'ensemble «émergent» devrait peser d'un poids conséquent dans un Conseil composé de quatorze pays. Le BRICS devrait ainsi avoir son mot à dire dans la gestion des crises mondiales jusqu'ici outrancièrement dominée par une «communauté internationale» réduite aux Etats-Unis et à leurs alliés. La stratégie de consolidation animée par Pékin a pour effet de créer les conditions d'un multilatéralisme dans lequel les pays en développement joueraient un rôle significatif.

 La nouvelle n'a peut-être pas fait la manchette des journaux occidentaux mais pour les pays du Sud elle peut être lourde de signification et de leçons. En particulier pour les Maghrébins. Exister politiquement et économiquement dans l'ordre mondial actuel impose des regroupements et la mise en œuvre de stratégies communes. Dans l'ordre qui se met en place, le Maghreb aurait-il vocation à n'être que simple spectateur ?