La
fin de 2010 approche à une vitesse aussi rapide que l'année finissante est
venue. C'est-à-dire sans les Algériens d'en bas, ceux qui attendent 15 jours
sur 30 le déblocage de leur paie mensuelle. Pour les autres, ceux qui font
chaque année des vœux, elle part avec les regrets lancinants des effluves des
bords de la Seine ou de la Tamise.
Pour cette catégorie d'Algériens, il y aura
bien sûr les voeux de fin d'année, les voyages de fin d'année ou les soirées de
fin d'année dans des palaces d'Algérie et d'ailleurs. Sans rompre avec les
traditionnelles cérémonies de fin d'année, il y aura ainsi d'un côté les
Algériens qui vont fêter la fin de l'année, en dépensant bien sûr beaucoup
d'argent, en restant tard et en chantant les douze coups de minuit, et les
autres. Les autres qui triment à longueur d'année pour avoir un petit moment de
répit quand, le soir venu, ils rentrent sur la pointe des pieds pour ne pas
réveiller leurs enfants. Car ils n'apportent rien dans leurs musettes. Ceux-là,
ils sont comme l'ombre des autres Algériens, qui se lèvent tôt pour aller
cueillir les tomates que nous consommons, mais qui, souvent, ne les mangent
pas. Et puis il y a la grande majorité des Algériens qui vivent dans les
grandes villes et pour qui une fin d'année ne ressemble plus à rien. Ceux-là,
les « ouled lebled », meublent souvent cette fin d'année avec moins que rien.
Il suffit pour eux de veiller dans la cage d'escalier, en rêvant de partir
l'année qui s'annonce ailleurs. Généralement, en empruntant le passage obligé
de la harga. Car ceux qui sont partis à pareille saison, il y a quelques
années, sont revenus au bled passer le réveillon en famille. Mais, dans cette
grisaille urbaine, avec une ambiance de fin d'année bien triste pour ceux qui
ne savent pas ce qu'est un réveillon, il y a les d'autres. Ceux-là, ils ne se
voient pas, ils ne se rencontrent pas, ils n'ont pas d'odeur ni de couleur. Qui
sont-ils ? Ils sont partout et nulle part. Ce sont ceux que l'on désigne quand
une route est coupée et que les manifestants demandent un logement pour libérer
la voie publique. Ils sont ceux qui ont été logés dans une opération de
relogement politiquement correcte. Ils sont ceux qui se sont fait tabasser à la
sortie d'un stade de football parce qu'il ont trop fort crié leur colère contre
la hogra d'un arbitre. Ils sont ceux qui veulent réveillonner mais qui n'en ont
pas les moyens. Ils sont ceux qui ont un diplôme mais ne travaillent pas. Ils
sont ceux qui n'ont pas assez de « piston » pour aller demander un bon job. Ils
ont, bien sûr, comme tous les Algériens, les yeux rivés vers des lendemains
pour beaucoup impossibles, à défaut de bien prononcer Bonne Année. Et puis
quelle Bonne Année, celle des années 20000, celles des années 14000 ou celle
des années 2200000 ? Faut savoir car, en Algérie, il y a autant d'années et
donc des occasions de faire des vœux de Bonne Année. Il n'y a qu'en Algérie que
les habitants célèbrent chaque année trois?.années. Vive nous ! Nous sommes aussi
forts que les plus forts, car on peut en moins de douze mois festoyer trois
fois. Et puis, pour les vœux, faut pas se bousculer, il y en aura pour tous les
goûts. A propos, qui n'a pas ouvert un calendrier à la recherche du nombre de
jours fériés ?