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Tribunal d'Aïn El Turck: Six ans de prison requis contre des ravisseurs

par Rachid Boutlélis

L'accusé, S.H., âgé de 35 ans, un escogriffe à la mine revêche, s'avance à la barre, en roulant des épaules. Il ne semblait nullement impressionné par l'austérité prévalant dans la salle d'audience du tribunal correctionnel d'Aïn El Turck. En habitué, il croise ses mains derrière le dos avant de baisser la tête.

Sa victime, B.H., 33 ans, un courtaud atteint d'un début de calvitie, s'approche en gardant ses distances de son agresseur. «Vous le reconnaissez ?», interroge le président. B.H., frôle du regard le prévenu et en l'espace de quelques secondes les deux belligérants se dévisagent. «Oui, il faisait partie des ravisseurs, mais ce n'est pas lui qui a filmé la scène», rétorque d'une petite voix, la victime. Selon les faits consignés sur l'arrêt de renvoi, une semaine auparavant, sur une plage de la localité côtière de Bouisseville, sur le territoire de la daïra d'Aïn El Turck, l'accusé, S.H., un repris de justice notoire, plus connu sous le sobriquet de «Fethi majaâ» (Fethi la famine), ainsi que deux de ses acolytes, actuellement en fuite, ont obligé leur victime, sous la menace de leurs coutelas, à les suivre dans un garage à bateau où ils l'ont séquestrée. A l'intérieur des lieux, le trio de malfrats a fait subir à son otage les pires sévices tout en filmant les scènes avec la caméra du téléphone mobile appartenant à S.H. L'enregistrement a été par la suite gravé sur un CD-Rom à des fins de chantage, selon les enquêteurs de la police, qui n'ont pas écarté l'hypothèse d'une organisation criminelle spécialisée dans la perpétration de représailles. Toujours est-il, que l'otage a réussi à fausser compagnie à ses ravisseurs en exploitant un moment d'inattention.

«On m'a agressé et volé mon téléphone portable», argumente le prévenu avec un air canaille. Le représentant du ministère public a requis une peine de deux années de prison ferme à son encontre et six ans d'emprisonnement par contumace contre les deux fuyards. L'avocat de la défense a axé sa plaidoirie sur le fait que la victime ait reconnu devant le juge d'instruction que l'accusé n'a pas filmé les scènes de sévices.

 Le défenseur a demandé l'acquittement en faveur de son mandant. Le président du tribunal jauge l'accusé pendant un instant, lorsqu'il a clamé son innocence, en demandant la relaxe. Le verdict dans cette affaire, qui a semé la consternation parmi la population de la daïra d'Aïn El Turck a été mis en délibéré.