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Les musulmans de France, cibles et enjeux du Front National: Ghlamallah, alibi malgré lui des LE PEN

par Oualid Ammar

Marine Le Pen, qui se prépare à succéder à son père - le tristement célèbre parachutiste tortionnaire en Algérie, Jean-Marie Le Pen - à la tête du parti Front national en France, fustige de nouveau les prières de musulmans dans les rues.

Dans ce discours «novateur», elle se réfère même au ministre algérien des Affaires religieuses, Bouabdellah Ghlamallah.

 Marine Le Pen fait feu de tout bois pour faire passer, diffuser et propager ce nouveau discours construit sur «l'envahisseur musulman» et les «fondamentalistes». Vice-présidente du parti d'extrême droite Front national (FN), elle a de nouveau fustigé, hier, les prières de musulmans dans les rues de certains quartiers de France, déclarant qu'il s'agissait d'»un acte politique» exercé par des «fondamentalistes». Mme Le Pen, qui avait soulevé un tollé il y a dix jours, faisant un parallèle entre ces «prières de rue» et «l'occupation de la France par l'armée allemande pendant la Seconde guerre mondiale», était interrogée sur ce sujet dans une émission radiotélévisée, «Le Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro».

Marine Lepen s'accroche à Ghlamallah !

«Ceux qui n'ont pas de place dans la mosquée n'ont qu'à prier chez eux», a-t-elle affirmé en soutenant qu'elle se référait à des propos du ministre algérien des Affaires religieuses. Exploiter les déclarations hors contexte d'un adversaire ou les tronquer pour les tourner à son avantage. Le procédé est classique. Là, il permet à Marine Le Pen de se fabriquer une sorte d'alibi. Cela dit, on n'a pas souvenir que M. Bouabdellah Ghlamallah ait dit cela. Quand bien même il aurait tenu ce propos pour des raisons d'ordre public, il n'est pas du tout évident que le contexte soit le même, sachant qu'il existe en Algérie plus de 30 000 mosquées. A la question de savoir s'il fallait favoriser la construction de mosquées pour mettre fin aux prières dans la rue, Marine Le Pen a estimé que «le problème n'était pas le manque de mosquées en France». Elle a ensuite enchaîné sur un nouveau thème politicien : le fondamentalisme.

»L'immense majorité des milliers de musulmans qui se déplacent pour aller prier dans telle ou telle rue viennent d'ailleurs», et il s'agit de «fondamentalistes», a-t-elle déclaré. Pour appuyer son discours, elle s'est trouvé un allié objectif. Elle a cité l'imam Hassen Chalghoumi de Drancy, commune de la banlieue de Paris, un religieux «connu pour sa modération et en butte depuis des mois à l'hostilité de fondamentalistes». «Il a dénoncé le fait qu'il s'agissait évidemment d'un acte politique dont l'objectif est d'avoir une visibilité et d'obtenir auprès des naïfs le financement public des mosquées», a-t-elle déclaré toute contente d'avoir trouvé de l'eau à verser dans son moulin. Mme Le Pen s'est déclarée opposée à tout «financement public» pour la construction de mosquées, «directement ou indirectement», ainsi qu'aux financements «de pays étrangers» qui «ne respectent pas sur leur propre territoire la liberté religieuse», en citant en exemple l'Arabie saoudite. «Les fidèles doivent financer leurs propres mosquées, dont je réclame qu'elles soient modestes et qu'elles ne soient pas ostensibles», a-t-elle ajouté.

L'immigré honni remplacé par le musulman

Comme de tradition, le parti néofasciste de Le Pen tient un discours bourré d'amalgames mais bien structuré autour de la xénophobie et maintenant d'une islamophobie soft, puisque tout de même les fidèles peuvent financer leurs mosquées pourvu qu'elles soient «modestes et pas ostensibles». Autrement dit qu'elles se fassent discrètes, surtout que la réciprocité ne fonctionne pas dans les autres pays musulmans comme, par exemple, l'Arabie saoudite!

 Le constat principal des observateurs est que, dans l'actuel discours du Front national (FN), la stigmatisation de l'immigré est remplacée par la stigmatisation du musulman. Pour partie, on estime que la thématique de l'immigration - historiquement si chère au FN - a été récupérée par le parti présidentiel français UMP, d'où cette option alternative de la thématique de l'Islam sur laquelle est désormais branché l'état-major des Le Pen et dont il faut s'attendre à ce qu'il la décline sous divers sous-thèmes.

L'UMP du président Nicolas Sarkozy n'est pas allé contrer frontalement cette nouvelle offensive du FN. Mais il pourrait le faire, si l'on en croit le secrétaire général de cette formation politique Jean-François Copé : «Il ne faut pas s'interdire de traiter certains sujets, sinon cela laisse une autoroute à ceux qui ne se privent pas d'y aller». Dans le camp de l'opposition française, à gauche, Bernard Hamon s'est dit favorable à «des solutions en termes d'espace dans lesquels les fidèles peuvent exercer leur culte». Développant un discours similaire sur ce sujet, Ségolène Royal a toutefois averti les socialistes, en leur demandant de ne «pas faire de publicité aux provocations du FN», mais d'apporter des «réponses aux problèmes des Français que sont notamment l'appauvrissement, les salaires, l'emploi».

Surfant sur toutes ces considérations, Marine Le Pen ne songe qu'à la présidence du parti de son père, âgé de 82 ans. Le congrès se tient le 15 janvier prochain, la succession est ouverte. Le parti néofasciste français compte 31 000 adhérents, a révélé hier son fondateur et il ne désespère pas d'aligner un ou une candidate aux présidentielles de 2012.